République de Guinée: une campagne marquée par la peur, la défiance et l’incertitude

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COMMUNIQUE

Afrikajom center en partenariat avec OSIWA Guinée, a déployé du 28 septembre au 02 octobre 2020 une mission de plaidoyer pour des élections transparentes, démocratiques et apaisées en Guinée.

Au cours de la visite, la délégation a rencontré tous les acteurs impliqués dans le processus électoral,  dont  le  Président  de  la  République,  des  membres  du  Gouvernement,  de  l’opposition et de la majorité présidentielle, la Cour constitutionnelle, la CENI, le Front National  pour  la  Défense  de  la  Constitution  (FNDC),  les  organisations  des  droits  de l’homme, le  National  Democratic Institute for International Affairs (NDI) et  les  guides religieux.

L’élection  présidentielle  du  18  octobre  2020  en  Guinée  se  tiendra  dans  un  contexte politique tendu et violent fortement marqué par les évènements qui se sont déroulés tout le long du processus du double scrutin du 22 mars 2020, avec le Référendum qui lève le tabou  de  la  limitation  du  mandat  présidentiel  à  deux  et  l’organisation  des  élections législatives, boycottées par l’opposition et une partie de la société civile.

Ce pré-contentieux électoral n’est pas sans rapport avec le sentiment de peur, de défiance et  d’incertitude,  qui  transparaît  dans  le  discours  de  l’opposition  et  d’une partie représentative de la société civile guinéenne.

En dépit des efforts de l’Etat et de la CEDEAO pour corriger certains points de fixation du contentieux électoral, le malaise reste persistant et mérite d’être dissipé afin de rassurer toutes  les  parties  prenantes  sur  la  volonté  d’organiser  des  élections  transparentes, démocratiques et apaisées.

La délégation d’Afrikajom Center après avoir rencontré tous les acteurs impliqués dans le processus électoral, relève ici les points qui font l’objet de consensus et de contestations et formule des recommandations pour des élections transparentes, crédibles et apaisées.

  • Le débat sur la Constitution

Le référendum pour l’adoption d’une Constitution  qui  permet au Président sortant de briguer  un  troisième  mandat  jumelé  aux  élections  législatives  du  22  mars  2020, constituent le premier élément de pré-contentieux électoral majeur, qui n’est pas sans incidence  sur  le  climat  de  tension, de  peur et de  défiance, palpable dans  le  processus électoral en cours. Quid du débat sur les versions de la Constitution.

  • Sur l’éligibilité

Treize (13) candidats ont déposé leur dossier auprès de la Cour Constitutionnelle, seule une  candidature  a  été  rejetée,  celle  d’Edouard  Zoutoumou  Kpogomou  du  parti  Union Démocratique pour le Renouveau et le Progrès (UDRP) pour non-conformité avec l’article 42 de la Constitution.

  • Le Fichier électoral

Concernant le fichier électoral, la CENI rassure et assure que les doublons, les mineurs et les radiés ont été retirés du fichier du 18 octobre, soit 2.438.992 électeurs retirés sur recommandation des experts de la CEDEAO. Cette opération qui rend le fichier électoral désormais  conforme  aux  standards  de  la  sous-région,  soit  à  peu  près  43%  de  la démographie, constitue un début de solution, mais ne rassure pas tout le monde.

  • Gestion du site central

La gestion exclusive du site central (Le cerveau électronique et informatique du fichier électoral où les bases de données sont logées) par l’Administration échappe totalement     au contrôle des autres acteurs du processus électoral, en l’occurrence les Commissaires de la CENI, de l’opposition et de la société civile. Ce qui crée des doutes et des suspicions quant à la gestion transparente du site.

  • Affichage de la liste électorale après la révision exceptionnelle

L’opposition et la société civile réclament l’affichage de la liste électorale pour vérifier sa conformité avec les données contenues dans le fichier électoral. Ce qui est conforme aux standards de la CEDEAO et à l’impératif de la transparence du processus électoral.

  • Une campagne électorale sous tension, ethniquement clivée, dominée par la peur

Le  discours  de  la  campagne  présidentielle  rend  compte  d’une  forte  polarisation ethnique,   tout  à  fait  artificielle,  et  qui  est  le  fruit  d’une  manipulation  des  acteurs politiques qui mobilisent sur une base identitaire et passionnelle et non sur des projets de société.

La  campagne  électorale  a  commencé  par  les  déclarations  dangereuses  des  principaux protagonistes qui puisent leurs éléments de langage dans le lexique de la guerre : « Cette élection n’est pas seulement une élection, c’est comme si nous étions en guerre », a lancé  à  ses  partisans  de  Siguiri  le  Président-candidat  Alpha  Condé  lors  d’une visioconférence.

A quoi Cellou Dalein DIALLO candidat chef de l’opposition a répliqué : « Alpha parlant de ces élections parle déjà de guerre…il faut qu’on s’y prépare… s’il veut voler notre victoire nous nous battrons pour gagner… et lorsque nous gagnerons s’il essaie de voler s’il veut la guerre il l’aura »

« On nous vend la peur » se désole la société civile en Guinée.

  • Fermeture des frontières

Bien avant le jour du scrutin les frontières de certains pays voisins de la Guinée ont été fermées  (Sénégal,  Guinée-Bissau  et  Sierra-Léone).  Ces  actes  dont  aucune  explication  officielle n’a été donnée, sont de nature à aggraver le climat tension et de peur après les discours guerriers.

RECOMMANDATIONS

Au terme de cette visite, la mission de Afrikajom Center exprime ses vives préoccupations par  rapport  au  climat  de  tension,  de  peur  et  de  défiance  qui  marque  la  campagne électorale actuelle en Guinée et qui est une des plus tendues de son histoire politique.

Cependant cette situation n’est pas irrémédiable si des efforts réels sont faits pour que les acteurs  politiques  engagent  un  dialogue  sincère  pour  des  élections  transparentes  et apaisées.

Recommande à l’Etat guinéen, d’agir de manière à offrir les garanties d’une élection transparente, démocratique et apaisée en prenant les mesures suivantes :

  • Renforcer la crédibilité du fichier électoral en donnant la possibilité à tous les citoyens guinéens de le consulter comme cela se fait dans certains pays de la sous-région ;
  • Afficher la liste électorale de manière à garantir sa transparence la plus totale et permettre à chaque citoyen guinéen de pouvoir contrôler sa conformité avec le fichier afin de tuer toute polémique, doute ou suspicion ;
  • Faciliter  l’accès  au  site  central  à  tous  les  acteurs  du  processus  électoral notamment, les commissaires de la CENI et la société civile ;
  • Permettre aux médias de pouvoir publier les résultats de l’élection présidentielle au fur et à mesure de leur sortie des urnes, comme cela se fait dans certains pays de la sous-région.

Recommande aux partis politiques impliqués dans la campagne électorale de :

  • S’abstenir  de  tout  discours  de  haine  et  de  tout  acte  susceptible  de  semer la discorde et la violence entre les citoyens guinéens. Une campagne électorale doit être considérée comme une fête de la démocratie et des libertés fondamentales, une opportunité de présenter et débattre des projets de société et des visions du monde susceptibles de développer la Guinée ;
  • Les  partis  politiques  et  la  société  civile  doivent  se  donner  les  moyens  de surveiller   toutes  les  étapes  du  processus  électoral  et  fondamentalement  du scrutin de manière à pouvoir témoigner en toute bonne foi et en toute objectivité du caractère honnête et transparent ou non de l’élection présidentielle ;

A la CEDEAO, à l’Union Africaine et aux Nations Unies :

Les enjeux d’une élection transparente, crédible et honnête en République de Guinée, ne sont plus à démontrer dans un contexte sous-régional de plus en plus vulnérable avec les menaces sur la paix et la sécurité de la sous-région.

  • En tant que mécanismes de régulation de la paix et de la sécurité de la sous-région, la CEDEAO, l’Union Africaine et les Nations Unies doivent se donner les moyens de faciliter la tenue d’une élection transparente démocratique et apaisée, à défaut de trouver  des  sanctions  efficaces  contre  les  coups  de  forces  électoraux  qui aujourd’hui  créent  plus  de  violence,  d’instabilité  et  d’atteinte à  la paix  et  à  la sécurité que les coups d’états militaires.

Fait à Dakar le 07 octobre 2020

 

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