Pourquoi le Premier ministre ne doit pas se soumettre à l’injonction du Président du CNT ?
À la faveur de l’ouverture d’un atelier de formation des membres du CNT sur la procédure budgétaire, le Président de cette institution a fait injonction au Premier ministre de présenter son discours de politique générale. Sur la question de savoir si le Chef du Gouvernement de Transition est obligé de se soumettre à cet exercice, le seul texte qui doit servir de base pour donner une réponse est la Charte de la Transition qui, il faut le rappeler, est l’expression de la volonté du chef de la junte militaire qui gouverne le pays depuis le 5 septembre 2021.
Mais avant, il est utile de rappeler que, sauf erreur, la Constitution de 2010, est le tout premier texte de cette nature qui a imposé au Premier ministre de procéder à une déclaration de politique générale devant la représentation nationale. En effet, selon l’article 57 de cette Constitution, » Après sa nomination, le Premier ministre fait une déclaration de politique générale suivie d’un débat sans vote « .
La constitution falsifiée de 2020 a repris ces dispositions en son article 63, à la différence que la déclaration est suivie d’un débat avec vote.
Ainsi, l’obligation faite au Premier ministre de faire une déclaration de politique avait une base constitutionnelle. Il ne s’agissait pas simplement d’une pratique.
Qu’en est-il de la Charte de la Transition ?
Ce texte qui constitue la constitution de la Transition, ne mentionne nulle part » la déclaration de politique générale » à plus forte raison une obligation qui serait faite au Premier ministre de faire une déclaration de politique générale devant le CNT. L’article 52 demande tout au plus au Premier ministre de soumettre pour approbation au Président de la Transition, le plan d’action de la feuille de route du Gouvernement de Transition, dans un délai de trente jours à compter de la nomination des membres du Gouvernement. Ainsi, ce n’est même au CNT que le plan d’action de la feuille de route est présentée. La seule mission que la Charte de la Transition confère au CNT sur cette question est de suivre la mise en œuvre de ce plan conformément à l’article 57.
Ainsi, l’obligation faite au Premier ministre de faire une déclaration de politique générale. Et si l’interpellation du Président du CNT, qui ne repose sur aucune base juridique, se fondait sur une pratique républicaine, pourquoi son institution ne demanderait pas au Président de la Transition, aux membres du Gouvernement de Transition et aux responsables des régies financières de se soumettre à l’exercice de la déclaration de patrimoine, puisqu’il s’agit là aussi d’une pratique républicaine ? Pourquoi il ne se soumettrait pas lui-même à cet exercice puisqu’il est à la tête d’un organe important de la Transition ?
En réalité, le discours du Président du CNT s’inscrit tout simplement dans une démarche de déstabilisation du Premier ministre.
Et d’ailleurs, si le Premier ministre devait faire une déclaration de politique générale, quelle en serait la suite ? Un débat sans vote ou un débat avec vote ? Les constitutions de 2010 et la constitution falsifiée de 2020 réglaient cette question. Ce qui n’est pas le cas de la Charte de la Transition qui, encore une fois, n’évoque même pas le sujet. Le CNT est en train de prendre la vilaine habitude de s’attribuer des missions qui ne sont pas prévues par la Charte de la Transition. Il l’a déjà fait sur la question de la durée de la transition. Il est temps qu’on l’oblige à s’occuper des questions essentielles qui justifient sa mise en place, notamment l’élaboration d’un projet de constitution et l’adoption d’une loi électorale, instruments juridiques indispensables au retour à l’ordre constitutionnel. Tout le reste n’est que diversion.
SEKOU KOUNDOUNO RESPONSABLE DES STRATÉGIES ET PLANIFICATION DU FNDC
MEMBRE DU RÉSEAU AFRIKKI NETWORK