La Guinée en 6 ou 9? ( Par Boubacar Koyla DIALLO)

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L’histoire de la République de Guinée est glorieuse. Nous sommes les premiers en Afrique au Sud du Sahara à dire  » Non » au colonisateur à travers le vote historique du 28 septembre 1958.

Mais, la Guinée et son histoire, c’est aussi cette pièce de monnaie à deux faces: celle de 6 et 9! Elle est si fragile et complexe à raconter, que beaucoup d’intellectuels s’abstiennent de l’aborder au risque de se voir lynchés par une des faces de la monnaie ( 6 ou 9).

Au fait, lorsque vous inversez 6, vous avez 9 vice-versa. Toujours est-il que c’est un seul chiffre. Il en est de même pour la Guinée et son histoire. Il y a ceux  qui la racontent en rose et ceux qui la perçoivent en demi-teinte. Mais, il s’agit du même pays. Nous l’aimons tous. C’est peut-être la manière de l’exprimer qui diffère. La République de Guinée est un patrimoine qui nous est commun.

Le premier régime a fait ce qu’il a pu sous le leadership du camarade Président Ahmed Sékou TOURÉ. Nous sommes tous fiers d’avoir été les premiers à sonner le glas de la colonisation. L’homme s’est battu pour construire une nation soudée autour des valeurs de liberté, de solidarité et du travail.

Mais, nous qui n’avons pas vécu cette période, avons souvent du mal à comprendre certaines péripéties. Car, l’histoire est souvent racontée au gré des intérêts et positions de l’époque. Toujours est-il que c’est notre histoire. Elle naît très souvent dans la douleur.

Malheureusement, au lieu de capitaliser les acquis de la première République, ceux qui sont venus après, ont surfé sur la corde sensible du repli identitaire. Il suffit de voir le landerneau politique pour comprendre. Les partis politiques ont été et le sont encore pour la plupart, de simples regroupements ethniques et communautaires. Au point que chaque communauté pense que son destin est strictement lié à l’accession d’un des leur au pouvoir.

La gangrène a fait une incursion dangereuse dans l’administration publique avec une oligarchie solidement installée. Il y a eu une inversion de normes. L’orthodoxie administrative foulée aux pieds où les nominations sont colorées politiquement avec une forte dose communautaire.

Conséquence, les cadres compétents sont réduits à de simples ouvriers de l’administration.

Aujourd’hui, avec l’arrivée au pouvoir du CNRD sous la direction du Colonel Mamadi DOUMBOUYA, l’espoir renaît. Car, son discours de prise de pouvoir raisonne encore dans la mémoire collective : « il faut éviter les erreurs du passé  » a-t-il lancé le 05 septembre 2021. Cette seule phrase suffit pour tracer les sillons.

Sinon, pour la Guinée, Dieu a déjà fait son travail. Première réserve mondiale de la bauxite, des minerais de fer à l’état pur sur le flanc des montagnes, le diamant, l’or à foison, plus de 10 millions d’hectares de terres arables, quatre régions naturelles avec des spécialités géographiques qui s’entrelacent pour former une mosaïque paradisiaque, plus de 300 kilomètres de côtes maritimes qui « tutoient » l’océan Atlantique  etc.

Mais, 65 ans après notre indépendance, nous répondons présents au banc des plus pauvres du monde. Nous sommes parmi les plus gros pourvoyeurs de matières premières et surtout d’immigrés clandestins pour l’Europe. Alors que nous ne sommes pas les plus bêtes du monde pour ne pas jouir pleinement de toutes ces ressources naturelles !

C’est pourquoi il faut œuvrer pour la réussite de la Transition actuelle. Les éléments d’appréciation du succès de cette phase de notre histoire commune peuvent être les suivants :

– une classe politique comme un véritable outil d’aide à décisions pour le Gouvernement. Plutôt que d’exceller dans la planification de manifestations hypothétiques, l’opposition doit produire des memos pour aider les dirigeants à corriger leurs insuffisances. Pour cela, la classe politique doit être une synergie de compétences et de vertu. Elle doit avoir en son sein, des compétences techniques opérationnelles dans chaque segment de la gouvernance,

– une culture de l’alternance au sein des partis politiques pour éviter de fabriquer des futurs dictateurs,

– un Gouvernement réceptif aux sollicitations et propositions de l’opposition à travers un cadre de dialogue constructif  permanent,

– une administration dépolitisée et désethnisée où les cadres les moins compétents sont placés à des positions où ils feront moins de dégâts,

– l’instauration d’une véritable culture de la méritocratie à toutes les échelles de la vie nationale,

– un système éducatif guinéen qui fabrique beaucoup plus de travailleurs que futurs chômeurs. Il faut repenser le système pour l’arrimer aux besoins spécifiques de développement de la Guinée et surtout financer la recherche. Car, pour développer un pays, il faut impérativement des ressources humaines qualifiées,

– une démocratie vraie avec un respect strict de ses valeurs. Au défaut, nous devons avoir le courage nécessaire de la mettre entre parenthèse pour poser les vrais jalons du développement et préparer les citoyens à développer les valeurs de patriotisme et de discipline. Car, l’amour de la patrie transcende les clivages ethnico- communautaires. L’intérêt général doit être sacerdotal pour chaque Guinéen,

– désormais, plutôt que de voir la Guinée en 6 ou 9, nous devons la voir en un État unique, prospère et paisible,

– un État protecteur de ses citoyens,

– créer les conditions pour que les jeunes réalisent leurs rêves en Guinée plutôt que de prendre la mer à la quête de l’eldorado,

Ça, c’est bien possible.

Rien qu’à voir l’engouement autour de la fête de l’indépendance, l’on sent cette volonté pour les Guinéens d’opérer le vrai renouveau. L’espoir est là. Il faut fructifier cette dynamique.

 

Bonne fête de l’indépendance à tous.

 

Boubacar Koyla DIALLO

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