Habib Thiam tranche: « Tibou Kamara, l’homme de tous les consensus d’hier n’est plus que l’ombre d’un camp » !

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Je ne saurais faire cette contribution au débat national sans pour autant citer l’écrivain Tierno Monénembo qui, à propos des indépendances et des désillusions qui en découlent nous laissait découvrir un passage historique tiré de son roman « Les Crapauds-brousse » paru en 1979. « Les diplômés, eux qui auraient dû être la Solution, ils ne l’étaient en rien. C’était plutôt eux, le Problème, à la lumière de la vérité. Bercés par le miroitement des privilèges, ils se laissaient envelopper par la brume de la corruption ; malades de cécité, ils ne pouvaient plus se regarder. Ni voir la douleur de l’Afrique. Ils en devinaient seulement quelques contours, ne faisant que maugréer comme un système auquel ils n’avaient pas conscience d’appartenir ».

Plusieurs décennies après, cette affirmation, véritable reflet de la colère d’un homme à l’intégrité reconnue, demeure la réalité de l’Afrique, cette Afrique qui est l’otage de ces propres rejetons, dont une infime minorité de ses fils dicte la conduite des peuples sans ménagement ni un réel consensus. Bien qu’acquises au bout des doigts, les indépendances en Afrique ont permis aux Africains de prendre en mains leurs destinées grâce à une nouvelle élite qui contre toutes attentes s’est très vite murée dans la répression, foulant au pied toutes les espérances d’un monde déjà exténué en raison de son passé colonial des plus chaotiques. D’années en années et comme si cela devrait être le destin de l’Afrique, la plupart des États africains semblent donc ne pas avoir opté pour la rupture d’avec leur passé. « Violences hier, violences aujourd’hui et certes, violences demain ».

En Guinée, « la Guinée Conakry » pour être plus précis parce que cette appellation est force de précision de nos jours, la douleur de l’Afrique et des Africains est plus expressive et vivante, elle est tout simplement « Guinéenne », elle est ancrée dans nos traditions, nos faits et gestes de chaque instant et de tous les jours. Ne cherchez pas loin, le vrai coupable est aux commandes par la force de l’histoire et du destin. Et quand le destin décide c’est que Dieu a déjà choisi mais à quelles fins ? Dieu sait à qui donner le pouvoir, et chacun de ses choix est accompagné d’un chrono invisible et inépuisable qui fixe le devenir des hommes dans l’espace et dans le temps. Chacun de son côté du peu qu’il est investi, doit user de sa capacité à changer le monde, à choisir l’essentiel qui ne saurait se résumer au gain, au bien matériel.

Du régime de feu Général Lansana Conté à celui du président Alpha Condé en passant par la transition militaire sous le Capitaine Moussa Dadis Camara et le Général Sékouba Konaté, Tibou Kamara comme c’est de lui qu’il s’agit dans cette note, est l’un des hommes à qui Dieu a destiné autant de temps, d’opportunités et de pouvoir ces dernières années. Au-delà de cette chance inouïe, l’actuel ministre conseiller personnel du président de la République et ministre de l’industrie, des PME et de la promotion du secteur privé s’est révélé au départ comme celui en qui la réconciliation nationale était bien possible plus tôt que prévu. Nul besoin de rappeler qu’il a su à plusieurs reprises, rapprocher des positions quasi inconciliables en Guinée, et permettre une décrispation politique quoi que de courte durée. Tibou Kamara pouvait bien avancer dans cet exercice et cette direction qui lui collaient tant. Mais hélas !

Dans sa tribune intitulée « L’autre Alpha Condé, le vrai », l’homme déclarait ceci : « Dans une société où dire du bien des autres est toujours suspect, à l’heure où on prétend faire des choix pour ‘’ ménager’’ l’avenir en se préservant, j’ai choisi le bonheur de la sincérité et ‘’ l’imprudence’’ d’un engagement total et véritable ». Désormais le débat est clos, Tibou Kamara, l’homme de tous les consensus d’hier n’est plus que l’ombre d’un camp. Ce qui ne rime point avec l’exercice de médiation. Dans ces conditions, à qui faire confiance pour régler nos différends ? « On ne peut courir et se gratter les fesses » disaient un penseur. Le pouvoir use l’homme et Tibou Kamara a atteint ses limites, ses capacités à faire preuve de leadership et d’impartialité pour concilier pouvoir et opposition, concilier la Guinée à l’heure où notre pays est à la croisée des chemins et la risée du monde. La crise politique s’enlise et le peuple martyr ne sait plus où donner de la tête. « Moi, qui attendais un changement, un miracle avec la venue de l’indépendance, j’avais découvert un gouffre d’incertitude aussi angoissant que la pensée d’être soudain dans la tombe », Bohi-Di, le héros de Fantouré dans Le cercle des Tropiques avait raison de marquer sa déception à l’époque tout comme il est de notre droit et notre devoir de rappeler notre cri de détresse du moment après 62 ans d’indépendance sur fond de crise économique aiguë doublée d’une crise sociopolitique qui tarde à dénicher un véritable médiateur.

Une chose est désormais claire, comme vous je suis d’accord que Tibou Kamara était bel et bien la ligne médiane. C’est raté !

Habib THIAM

 

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