Guinée : se cacher derrière l’humour pour propager des propos haineux à caractère ethnique

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La République de Guinée est un pays très riche, une mosaïque ethnique et culturelle. En effet, elle compte une vingtaine d’ethnies réparties dans ses quatre régions naturelles. Mais la population guinéenne se retrouve principalement autour de quatre groupes ethniques : les Peuls en Moyenne-Guinée, les Malinkés en Haute-Guinée, les Soussous en Basse-Guinée et les « Forestiers » en Guinée forestière. En général, l’harmonie règne entre les différentes ethnies qui peuplent la Guinée. Les populations vivent ensemble, se fréquentent et se marient entre elles.

Toutefois, si cette diversité ethnique est une richesse pour le pays, elle est également source de tension, surtout en période électorale.

Depuis la présidentielle de 2010, la Guinée est régulièrement secouée par des crises sociopolitiques qui ont des ramifications ethniques. Une situation qui contribue à renforcer les méfiances entre les principaux groupes ethniques du pays et à pérenniser les idées reçues pour généraliser les comportements des uns envers les autres.

Conscients de la sensibilité des Guinéens aux questions d’ethnies, des administrateurs de pages sur les réseaux sociaux se servent de l’humour pour propager des propos haineux à caractère ethnique. Si cette technique leur permet d’engager les utilisateurs de ces réseaux, elle contribue aussi à pérenniser les méfiances entre les communautés. Pour aborder ce phénomène, nous avons jugé utile de nous servir comme exemple d’une publication faite par la page Facebook 224 Diversité en date du vendredi 8 septembre 2023 à 23h31.

Dans cette publication, ses administrateurs écrivent : « L’arrogance est malinké. La trahison est peulh. L’injure est soussou. La diffamation est forestière ». La publication a généré de nombreuses réactions. Au moment de la rédaction de cet article, elle a eu 1 002 partages, 467 commentaires et 330 réactions. Si l’auteur de ces propos a fait le malin de s’attaquer aux principaux groupes ethniques de la Guinée, question sûrement d’équilibrer, son attitude n’en demeure pas moins problématique. Car ces propos contribuent à renforcer la division entre les communautés qui peuplent la Guinée.

D’ailleurs, la loi de notre pays condamne l’emploi de termes ou propos à des fins de division. Surtout lorsque cette division a une base ethnique. Par exemple, l’article 29 de la loi L/2016/037/AN du 28 juillet 2016 relative à la Cyber-sécurité et à la Protection des données à caractère personnel dispose : « Quiconque émet une injure, une expression outrageante, tout terme de mépris ou toute invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait par le biais d’un système informatique sera puni d’un emprisonnement de six mois à un an et d’une amende de 40 millions à 120 millions de francs guinéens ». Il ajoute : « Lorsque les infractions ont été commises en raison de l’appartenance de la victime à une ethnie, race, religion… l’auteur encourt un emprisonnement de trois à huit ans et d’une amende de 80 millions à 250 millions de francs glissants ».

L’article 27, lui, dispose : « Le téléchargement, la diffusion et la mise à disposition de messages, de photos, d’écrits, de dessins ou de tout autre représentation de théories ou d’idées, de nature raciste ou xénophobe, par le biais d’un système informatique, se rend coupable de délit, et sera puni d’un emprisonnement de cinq à dix ans et d’une amande de 100.000.000 de francs guinéens ».

En juin dernier, le Collectif contre la haine ethnique en Guinée a dénoncé au niveau du procureur général près la Cour d’appel de Conakry les propos haineux à l’encontre de la communauté peule tenus par le chanteur Jack Woumpack dans une vidéo publiée sur sa page Facebook, le 8 juin 2023. Ces propos avaient aussi été dénoncés par le ministre de la Justice et Garde des Sceaux, Alphonse Charles Wright, qui avait enjoint « sans délai au procureur général près la Cour d’appel de Conakry d’engager ou de faire engager des poursuites judiciaires ou de saisir la juridiction compétente de telles réquisitions contre le mis en cause ».

Arrêté le lendemain, le chanteur a été jugé par le Tribunal de première instance de Coyah et reconnu coupable « des faits d’injures, de propos ethniques, proférés par le biais d’un système informatique ». Ayant présenté des excuses publiques, il a écopé d’une condamnation de 12 mois d’emprisonnement, assortis de sursis et dix millions de francs guinéens d’amende. Le juge a également ordonné à Jack Woumpack de retirer ses propos et sa vidéo et de publier un message d’excuse.

Une action judiciaire qui a été saluée par de nombreux citoyens issus des différentes communautés du pays. Ils y ont vu une voie qui permettrait à coup sûr de lutter efficacement contre le phénomène des propos haineux à caractère ethnique qui polluent l’espace public en Guinée. Mais des petits malins continuent leur entreprise néfaste, en usant cette fois-ci de l’humour dans l’espoir d’échapper à la poursuite judiciaire. Sans doute, ils se trompent.

 

 

Cet article a été rédigé par Abdourahmane Nansoko dans le cadre du projet Implication des Médias Numériques dans la Prévention Active des Conflits et Tensions (IMPACT), sous la coordination de Thierno Ciré Diallo. Il a été approuvé par (Pathé Diallo), Directeur de publication de (planet7).

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