I-INTRODUCTION
Lors du classement mondial 2021 de reporters sans frontières publié en février 2022, la Guinée avait fait un bond de 25 points en occupant le 84e rang contre 109e en 2020. La Guinée doit ce bon score en partie, aux discours et actes rassurants du Président de la transition, le colonel Mamady DOUMBOUYA. Parmi les actes posés en faveur de la presse, le SPPG note et salue l’octroi d’un siège pour la maison de la presse à Conakry, des maisons de la presse régionales et l’augmentation de la subvention allouée aux médias. Nous notons également qu’aucun journaliste n’a fait objet de poursuite judiciaire. Cependant, depuis le 10 mai 2022 (point de départ des actes liberticides majeurs sous CNRD avec l’agression physique à Kindia, de Mohamed M’bemba CONDE par des gendarmes), les professionnels de l’information s’interrogent sur l’élan liberticide que prennent certains acteurs du régime militaire.
Le tableau SPPG-SLP 2022 ci-dessous vous situe sur l’ordre de survenance des actions liberticides que nous avons pu vérifier (1ère colonne), les dates auxquelles se sont produits les faits dénoncés (2e colonne), le résumé des faits (3e colonne) et la gestion de chaque dossier mais aussi, l’issue qui en a résulté (5e colonne).
Ainsi, nous avons enregistré 25 actions et actes liberticides. Au cours de 2022, Conakry a été la zone la plus dangereuse pour les journalistes avec 20 actes et actions liberticides suivi de Kankan (2 cas), Kindia (1 cas), Boké (1 cas) et Dinguiraye dans Faranah (1 cas). Parmi ces multiples atteintes à la liberté de la presse, aucune n’a fait l’objet d’enquête judiciaires ni de mesures disciplinaires contre leurs auteurs. Pourtant, le bureau exécutif du SPPG avait écrit à cet effet au procureur général près la cour d’appel de Conakry Charles Wright (l’actuel ministre de la justice), au ministre de la sécurité Bachir Diallo et au haut commandant de la gendarmerie nationale le Colonel Balla Samoura. Les 2 premiers (Charles et Bachir) n’ont même pas pris le soin de répondre à nos courriers. Le Colonel Balla Samoura lui, avait invité une délégation du SPPG conduite à son bureau par le Général Pendessa en compagnie de journalistes faisant l’objet de menaces de mort et de filature de la part des inconnus. La délégation a eu une séance de travail stratégique avec lui le 26 mai 2022. Depuis cette date, aucun journaliste ne s’est plus plaint auprès du syndicat concernant des menaces de mort ou de filature jusqu’à la fin de l’année.
Les mois pendant lesquels nous avons enregistré des actes et actions liberticides sont février, mai, juin, juillet, Août, septembre, octobre et décembre. Entre ces 8 mois, Août et septembre ont battu le triste record avec 5 cas chacun suivis de mai, juin, Août et octobre (2 cas chacun). Les moins graves de ces 8 mois en termes de nombre sont février et décembre (1 cas chacun).
II-TABLEAU SPPG-SLP 2022
NUMERO | DATE | ACTION LIBERTICIDE | LIEU | GESTION/ISSUE |
1 | De novembre 2021 à Mai 20 22 | Menaces et filatures contre les journalistes (Ousmane Bangoura de Fim FM, Habib Marouane CAMARA du lerevelateur224, Oury Macy BAH de laguiee.info | Conakry | Fructueuse séance de travail entre le bureau du SPPG et le haut commandant de la gendarmerie le colonel Balla |
et le correspondant d’un média étranger qui a témoigné auprès du syndicat sous anonymat ce, pour des raisons stratégiques) | Samoura. Mais l’indifférence coupable du procureur général d’alors Charles Wright et du ministre de la sécurité Bachir DIALLO malgré des courriers d’alerte que le SPPG leur avait adressés | |||
2 | 22 février 2022 | Sortie médiatique liberticide de Charles Wright (procureur général près la cour d’appel de Conakry). Il voulait illégalement se servir du rapport de monitoring de la HAC pour enclencher une série de poursuites judiciaires contre des journalistes | Conakry | Face à l’opposition farouche du SPPG, le procureur a mis un coup de frein à son projet liberticide. |
3 | 10 mai 2022 | Agression physique de Mohamed M’bemba CONDE par des gendarmes qui suivaient le préfet de Kindia lors des opérations de récupération des domaines de l’Etat | Kindia | Prise en charge médicale par les autorités et excuses publiques du commandant de Kindia, mais aucune sanction contre les auteurs |
4 | 24 Mai 2022 | Les journalistes Cheick Sékou Berthe et Ahmed Sékou Nabé de Kankan agressés par le commandant adjoint de la 3e région militaire de Kankan alors qu’ils couvraient les opérations de déguerpissement des emprises de routes. Le colonel Kolipé qui les avait agressés dira même qu’il a bien fait | Kankan | Règlement à l’amiable auprès de l’antenne régionale du SPPG à la demande des religieux et sages de Kankan |
5 | 15 juin 2022 | Arrestation, par la complicité du préfet de Dinguiraye, de Mamadou SAGNANE de la radio rurale de Dinguiraye et correspondant du site www.mosaïqueguinee.com | Dinguiraye | Libéré après une journée de garde à vue illégale et arbitraire |
6 | 15 juin 2022 | Agression en pleine émission, d’Hamed Camara d’Espace FM par l’ancien député uninominal de Dixinn et leader politique Aboubacar SOUMAH | Conakry | Le procureur de Mafanco s’était auto saisi du dossier, le député placé sous mandat de dépôt mais finalement relaxé par le tribunal de Mafanco |
7 | 5 juillet 2022 | Agression d’Aly Badara Cra d’Espace TV à la T7, son véhicule endommagé. C’était à l’occasion des manifestations provoquées par l’arrestation le même jour, des leaders du FNDC interpelés en pleine conférence de presse | Conakry | Aucune enquête, aucun dédommagement |
8 | 7 juillet 2022 | Alseny Aye SOUMAH du groupe Djoma blessé à la tête par un projectile lors des manifs du FNDC | Bambéto Conakry | Aucune enquête, aucun dédommagement |
9 | 28 juillet 2022 | Algassimou BALDE de Djoma media, agressé par des manifestants qui ont tenté de lui retirer son sac. Finalement sauvé par d’autres manifestants et des agents (manifestation du FNDC) | Conakry T7 | Aucune enquête, aucun dédommagement |
10 | 28 juillet 2022 | Laafa SOW de Guinée matin, agressé aux environs de 13h30, son téléphone emporté. Egalement menacé avec cette phrase: ‘’c’est vous les journalistes qu’on cherche’’. Il sera sauvé par un motard (Manifestation du FNDC) | Bambéto /Conakry) | Aucune enquête, aucun dédommagement |
11 | 28 juillet 2022 | Abdallah CAMARA et Mohamed SANGARE tous du groupe Evasion, agressés par des manifestants aux environs de 16h. Leurs agresseurs ont retiré le téléphone de Sangaré et tenté d’emporter la camera. Ils seront finalement sauvés | Sur la transversale Kipé-Bambéto près de l’ambassade des USA(Conakry) | Aucune enquête, aucun dédommagement |
par d’autres manifestants (manifestation du FNDC) | ||||
12 | 4 Août 2022 | Agression par des gendarmes, de Mamadou Hady DIALLO de Djoma Boké alors qu’il couvrait la manifestation des travailleurs d’une société minière | Boké | Aucune enquête, aucune sanction, aucun dédommagement |
13 | 5 Août 2022 | Convocation de Mohamed Bangoura de Mosaique Guinée au camp Samory Touré, par le service des renseignements généraux (affaire ‘’camion de trama dole disparu’’) | Conakry | Opposition du SPPG et Bangoura sera finalement invité à la HAC, accompagné par le SPPG et le REMIGUI |
14 | 8
Septembre 2022 |
La HAC (haute autorité de la communication) convoque Aly Badara SOUMAH, administrateur de la page facebook de Sabari FM en violation de la procédure (sans convocation écrite) | Conakry | La direction de Sabari FM et le SPPG s’y sont opposés en exigeant une convocation écrite qui a finalement été déposée le lendemain |
15 | Du 13 au 23 septembre 2022 | N’fanly GUILAVOGUI du groupe Evasion suspendu pour 10 jours par la HAC(haute autorité de la communication), en violation de la procédure (sans convocation écrite ni séance d’audience devant le collège des commissaires) | Conakry | Sanction purgée bien qu’illégale |
16 | 19 septembre 2022 | Agressions physique et verbale de Habib Marouane Camara de Djoma médias et du révélateur 224, par 2 compagnons du président du BL, son téléphone endommagé. C’était après l’émission ‘’On refait le monde’’ | Conakry | Réglé à l’amiable par l’intermédiaire du SPPG en contrepartie d’excuses publiques |
17 | Du 23 Septembre au 22 octobre 2022 | 3 journalistes (Mathé BAH, Minkailou DIALLO et Kalil CAMARA) de Nostalgie suspendus par la HAC pour
1 mois en violation de la procédure (sans |
Conakry | Sanction purgée bien qu’illégale |
convocation même téléphonique, ni séance d’audience avec le collège des commissaires) | ||||
18 | 28
Septembre 2022 |
Interdiction à Conakry, du sit-in du SPPG par la mairie de Kaloum | Conakry, Kaloum | Acte dénoncé par le SPPG, l’ensemble des médias indépendants mais aussi, par reporter sans frontière |
19 | 20 octobre 2022 | Amadou Djouldé DIALLO de City FM embarqué depuis Koloma marché et déposé au camp Alpha Yaya DIALLO par le BATA (bataillon des troupes aéroportées) alors qu’il couvrait une manifestation du FNDC | Conakry | Libéré environ 1H après, à la suite d’une alerte du SPPG |
20 | 21
Octobre 2022 |
Mouctar SYLLA du site
embarqué de force dans un pic-up de la gendarmerie à Hamdallaye où il était parti vérifier un cas de blessé par balle en marge des manifestations du FNDC |
Cokary | Libéré sur place après des échanges téléphoniques entre son patron Ibrahima Sory DIALLO, le Général PENDESSA et le haut commandement de la gendarmerie |
21 | 13 décembre 2022 | Le secrétaire général de l’état-major de l’armée fait séquestrer Morlaye SYLLA de Tropical FM au camp Samory TOURE. Son seul crime fut celui de solliciter une interview auprès de cet officier par rapport au recrutement militaire lancé en décembre 2022 | Conakry | Libéré le même jour à la suite d’une alerte du SPPG mais après avoir passé de longues heures à la police militaire |
III-RECOMMANDATIONS
Dans le souci de voir la Guinée parmi les bons élèves en matière de la liberté de la presse, le syndicat des professionnels de la presse de Guinée(SPPG) recommande:
1-Au Président de la transition le colonel Mamadi DOUMBOUYA, de rester dans la logique de ses premiers discours et actes rassurants ayant contribué à permettre à la Guinée de faire en une seule année un bond de 25 points dans le classement mondial 2021 de reporters sans frontières, et de mettre les conseils de ministres à profit pour réitérer à tous les membres du gouvernement son attachement au respect de la liberté de la presse en Guinée;
2-A la haute autorité de la communication et au ministère de l’information et de la communication, d’œuvrer pour la révision des textes de loi afin de renforcer davantage la liberté de la presse. Des textes qui devront prévoir désormais des sanctions sévères contre tout agissement portant atteinte à cette liberté indispensable à la bonne marche de la démocratie;
3-A la justice de poursuivre tous les auteurs d’agressions contre les journalistes et d’autres formes d’atteinte à la liberté de la presse afin qu’ils servent d’exemple pour d’éventuels candidats à ces actions liberticides;
4-Aux autorités civiles et militaires dont relèvent des agents hostiles aux hommes de médias, de prendre des mesures disciplinaires rigoureuses contre eux;
5-Aux responsables des services de défense et de sécurités, d’instaurer des communications sur la liberté de la presse lors des rassemblements comme l’a fait le haut commandant de la gendarmerie nationale à qui nous recommandons d’ailleurs de continuer ses efforts de sensibilisation;
6-Aux institutions internationales et représentations diplomatiques établies en Guinée, d’accompagner le SPPG dans le processus de mise en place d’un fonds d’aide juridictionnelle en faveur des journalistes agressés dont beaucoup ont souhaité poursuivre leurs agresseurs mais limités dans leur volonté par manque de moyens financiers pouvant supporter les honoraires des avocats
7- Aux professionnels des médias, de respecter l’éthique et la déontologie dans l’exercice de leur profession.
8- Aux promoteurs des entreprises de presse, de faire en sorte que la subvention allouée aux médias change positivement les conditions de vie et de travail des employés.
Rapport SPPG 2022 sur la liberté de la presse en Guinée