Célébration de la journée mondiale de la langue arabe : quels défis pour l’enseignement de cette langue en Guinée (par Ibrahim Mansaré)

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Depuis 2012, la journée internationale de la langue arabe est célébrée chaque année le 18 décembre. Cette célébration de l’arabe instituée par l’ONU à travers son organe UNESCO donne lieu à des réflexions multidimensionnelles sur la situation et l’avenir de cette langue dans le monde notamment dans les milieux non arabophones.

À cette occasion, je voudrais apporter à travers cette tribune une réflexion non exhaustive sur les défis auxquels sont confrontés l’enseignement de la langue arabe en Guinée et ses diplômés, ainsi que sur le rôle que devraient conjointement jouer l’Etat et les acteurs de cet enseignement afin de corriger le stéréotype qui cantonne cette langue et ses diplômés dans un rôle purement religieux et pédagogique, de promouvoir la diversité et l’enseignement polyvalents, de favoriser l’intégration professionnelle de l’élite arabophone et de dynamiser les relations diplomatiques avec les pays arabes. À cet effet, nous devons édifier les autorités sur le rôle, l’importance des cadres arabophones et l’apport significatif des écoles franco-arabes dans le développement socio-économique et culturel de la Guinée.

La marginalisation des arabophones et de l’enseignement franco-arabe

Véritablement, la langue arabe fait l’objet d’une marginalisation dans le système éducatif guinéen.  Depuis des décennies, l’État n’a construit aucune classe au compte des écoles franco-arabes. Paradoxalement, les élites arabophones ne sont pas considérées comme des intellectuels dans la perception générale.  En clair, cette triste réalité devrait être un mauvais souvenir dans notre pays en 2022, mais pourquoi ça persiste autant aujourd’hui !

Les écoles franco-arabes sont-elles en voie de déperdition ?

Force est de constater que les écoles franco-arabes rencontrent des difficultés avérées sur tous les plans, notamment : infrastructurel, pédagogique, administratif, manuel scolaire, formation de formateur et financement.  Nous allons dénombrer quelques aléas de cette partie intégrante de notre système éducatif avant que ces écoles ne finissent par disparaître car, une déperdition totale est constatée chaque année au BEPC et au baccalauréat ; sachant que le taux de déperdition est de plus de 37% pourcent de candidats qui quittent carrément ce système. Les problématiques sont entre autres :

1.         La gestion administrative chaotique des écoles par des cadres non qualifiés avec des corps enseignants sans aucune formation pédagogique appropriée.

2.         Le manque de manuels d’enseignement pour les écoles franco-arabes publiques ou privées

3.         Le manque d’une politique de valorisation, de financement et de la formation de formateur par le département de tutelle.

4.         La non-valorisation des diplômés desdites écoles par l’État et le nombre réduit de bourses octroyées aux lauréats franco-arabes.

Les statistiques des écoles franco-arabes

Selon les statistiques disponibles, l’enseignement Franco-arabe représente plus de 18% du système éducatif guinéen et en 2016 l’effectif des élèves franco-arabes en Guinée étaient de (182098 au primaire pour 988 établissements scolaires ,28651 au secondaire pour 127 établissements scolaires) et l’effectif des enseignants (4741 au primaire, 1332 au secondaire). Le secteur de l’enseignement supérieur compte pour sa part une demi-dizaine d’universités privées et publiques dispensant un enseignement entièrement ou partiellement en langue arabe, mais également des départements de la langue arabe dans des universités publiques comme celles de Général Lansana Conté de Sonfonia, de Labé et de Kankan.

En plus, des élèves et des étudiants partent se former dans les pays arabo-musulmans (Égypte, Maroc, Tunisie, Libye, Arabie Saoudite, Koweït, Turquie, et Iran…) dans tous les domaines. En dépit de tous ces diplômés, la Guinée indépendante a privilégié les lettrés issus du système scolaire hérité de la colonisation au détriment des arabophones d’ailleurs très bien qualifiés issus des grandes universités du monde arabe et musulmans.  Par ricochet, l’accès à la souveraineté a conforté l’influence certains cadres francophiles dans la conception et dans la conduite des politiques publiques – l’université constitue de même un lieu privilégié de la valorisation, de l’apprentissage et de la délivrance des titres en français. En revanche, cette réalité devrait être révolue pour permettre à tout un chacun de participer au rayonnement et au développement de notre patrie, quel que soit le cursus de formation universitaire d’autant plus que le besoin est là.

Quid du rôle des élites arabophones ?

Les arabophones ont les mêmes parcours et cursus que leurs confrères francophones dans presque tous les domaines d’aujourd’hui. En dehors des sphères de décision et d’action étatiques au plus haut niveau, il faut reconnaître d’ailleurs que les arabophones ont un atout en ce qui concerne les aptitudes linguistiques. Ils sont tous bilingues et une partie est même trilingue (arabe, français et anglais).  Par conséquent, ils peuvent jouer un rôle éminent dans la promotion de l’éducation, de la recherche, du développement sociopolitique et économique. Ils pourront participer activement au sein des instances étatiques, notamment, les ministères et les représentations diplomatiques pour contribuer au développement de la patrie.

Il est fortement souhaité à l’ère actuel pour l’Etat guinéen de :

1.  Créer un poste de conseiller chargé des cultes et de Monde Arabe à la Présidence de la République.

2. Créer une Direction Nationale de l’Enseignement Franco-arabe au ministère de l’Enseignement Pré-Universitaire et de l’Alphabétisation et au Ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche Scientifique et de l’Innovation.

3.     Mise en place d’un programme de renforcement de capacité des arabophones en français.

4.     Formation continue des enseignants des écoles franco-arabes et insertion des intellectuels arabophones dans les instances d’Etat.

En somme, les élites arabophones sont des ressources capitales sur lesquelles le gouvernement pourrait se positionner pour la mise en œuvre de sa politique de développement et sa diplomatie étrangère et d’autres domaines. Autrement, à l’État guinéen de choisir la carte à jouer pour l’administration publique et redorer la diplomatie guinéenne avec ces élites du pays.

 

MANSARE Ibrahim, PhD

Banquier & Consultant en Finance Islamique.

Porte-parole de l’Union des Écoles Franco-Arabes de Guinée

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