Aboubacar Sidiki Tolno : Le Combat d’un Photographe Passionné Face aux Défis du Marché Guinéen

Dans un environnement où l’art se confronte aux dures réalités du marché, Aboubacar Sidiki Tolno, photographe guinéen, incarne le combat de nombreux professionnels face aux évolutions rapides de la technologie et aux attentes fluctuantes des clients. Ce métier, autrefois une vocation, est aujourd’hui un véritable défi dans un pays où la reconnaissance du travail artistique reste limitée.

Tolno n’a pas toujours été photographe. En 2000, alors qu’il arrivait à Conakry pour des études professionnelles, il se tourne vers la photographie presque par hasard. « J’ai acheté un petit appareil pendant mes études, un modèle à bobine, très rudimentaire, mais suffisant pour commencer », se souvient-il. Ce n’est qu’après avoir peiné à trouver un emploi dans son domaine d’études qu’il se consacre pleinement à la photographie. « Ce qui a commencé comme un simple passe-temps est devenu une passion, et aujourd’hui, c’est mon métier. Malgré les obstacles, je garde l’espoir qu’un avenir meilleur est possible », confie Tolno, avec des souvenirs visibles dans ses yeux.

La carrière de Tolno prend un tournant lorsqu’il rencontre des clients étrangers. Il devient le photographe de Pékin Photo, le premier studio photo renommé de Conakry, dirigé par des investisseurs chinois. Mais l’aventure est de courte durée. « Un jour, ils ont décidé de rentrer chez eux, me laissant seul dans une situation précaire », raconte-t-il.

Sans les moyens nécessaires pour ouvrir son propre studio, Tolno continue de travailler en freelance, mais la route est semée d’embûches. « Si tu n’as pas de studio, tout devient difficile », souligne-t-il, rappelant l’importance de disposer d’un espace professionnel pour réussir dans ce métier.

Persévérant, Tolno continue d’exercer son métier, tout en s’efforçant d’éduquer le public sur l’importance de la photographie professionnelle. Il raconte avec fierté comment l’Office National du Cinéma et de la Photographie (ONACIG) a joué un rôle clé dans son développement. « Lorsque l’ONACIG a lancé un appel d’offres pour une formation, j’ai sauté sur l’occasion. Un formateur malien m’a aidé à parfaire mes compétences. L’année suivante, l’ONACIG m’a sollicité pour former mes collègues à N’zérékoré. C’est ainsi que j’ai commencé à transmettre mon savoir », explique-t-il, visiblement ému.

L’un des plus grands défis auxquels Tolno est confronté est la concurrence des jeunes photographes équipés de smartphones. « Aujourd’hui, tout le monde en Guinée se prétend photographe. Malheureusement, ce sont ces amateurs, armés de simples iPhones, qui obtiennent les contrats, tandis que nous, les professionnels, sommes délaissés », regrette Tolno. Il souligne que, malgré les avancées technologiques, rien ne peut remplacer une véritable expertise en matière de composition, d’éclairage et de cadrage.

Le marché de la photographie guinéenne est ainsi dominé par une demande de prestations rapides et économiques, souvent au détriment de la qualité artistique.

Tolno rêve d’un avenir où la photographie sera respectée et reconnue à sa juste valeur, où les photographes professionnels auront la place qui leur revient dans la société. « Parfois, je regrette d’avoir choisi cette voie. Dans d’autres pays, les photographes sont respectés, mais en Guinée, nous sommes souvent ignorés, même lors des grandes cérémonies. Mais je garde espoir qu’un jour, cette perception changera », affirme-t-il avec détermination.

Tolno conclut en s’adressant aux jeunes qui souhaitent embrasser cette carrière : « Pour devenir photographe, il faut d’abord investir dans du bon matériel et suivre une formation adéquate. Ne suivez pas l’exemple de ceux qui pensent que la photographie se résume à un iPhone. »

Malgré les défis quotidiens, Aboubacar Sidiki Tolno reste un modèle de résilience. Sa passion pour l’art et son engagement envers son métier sont inébranlables. Chaque jour, il œuvre pour faire évoluer la perception de la photographie en Guinée, avec l’espoir qu’un jour, l’expérience et le savoir-faire des professionnels seront de nouveau valorisés. « Je suis convaincu que la photographie peut, et doit, redevenir un métier respecté, comme au temps de Sékou Touré », conclut-il.

Tolno inspire, non seulement par son parcours, mais aussi par sa conviction que l’art photographique, malgré la modernisation et la concurrence, restera une forme noble de narration visuelle, capable de capturer l’essence même de la société guinéenne.

 

Hawa Mohamed Soumah pour Planete7.info 

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