Le Colonel-président s’essaye lui-aussi devant la presse (édito sur djoma Mognouma)
Et c’est finalement une interview que le Président de la junte au pouvoir en Guinée, a choisie en vue de conquérir davantage le cœur des Guinéens.
Dans l’opinion, on peut bien s’interroger sur les motivations d’un tel pari qui n’était pas sans risques.
Car, il intervient un peu plus deux mois après son accession au pouvoir par effraction. Mamadi Doumbouya qui en est bien conscient, a déjà sa stratégie en vue de véhiculer les messages qui devraient conforter une légitimité branlante.
Pour cela, le colonel n’a pas répondu aux questions. Il a juste fait passer ses messages.
L’exercice, le premier du genre, qui est une vraie tribune médiatique, le faîte de l’affichage dont il a pris gout, ne devrait pas être si banal.
Et pour cause, il est enregistré pour épurer des écueils et corriger d’éventuels débordements. C’est une prestation calibrée au millimètre. On était loin des interviews catastrophes de son prédécesseur dont il a écourté le règne.
Les interlocuteurs en face n’étaient pas sans savoir l’obsession du colonel à endosser le costume du sauveur d’un peuple martyrisé.
La RTG, qui a pourtant grandement participé à la consolidation du système déchu et aujourd’hui dénoncé par presque tout le monde, elle aussi, toute honte bue, dans la présentation de ce grand spécial, reprochera à l’ancien Président d’avoir été sourd aux «conseils et tentatives de dissuasion ». La RTG qui dénonce Alpha Condé, quel mufle ! Quelle ironie !
Dans cette autre sortie, labélisée édition spéciale, le Colonel a abusé, plutôt usé de la même rhétorique depuis le coup d’Etat, pour justifier leur irruption, lui et sa troupe des forces spéciales, dans un milieu qui n’est pas le leur.
Comme d’habitude, on a encore débité sur les crises sociales évidentes, engendrées par un troisième mandat à la mise en place duquel la plupart des membres du CNRD ont pourtant participé, d’une façon ou d’une autre. Mais aujourd’hui, tout le monde joue à l’innocent.
A propos de la CEDEAO, le discours est plus souple et bien soigné. Le chef de la junte semble avoir tiré les leçons, après ses passes d’armes caustiques avec l’organisation sous-régionale.
Par contre, il est sans complaisance avec les politiques, qui évitent le conflit avec lui, mais chez lesquels commence à se manifester une certaine lassitude quant au rythme de progression de la transition, jugé lent.
Par ailleurs, en affirmant que le bien-être de la population est le combat qui mérite d’être mené, puis en auscultant les profils des nouveaux ministres, le colonel révèle sa contradiction avec son Premier ministre, qui, dans la foulée de sa nomination, a insisté que son gouvernement n’est pas celui du développement.
La durée de la transition qui reste une énigme, serait ainsi annoncée, un peu plus, longue.
Le Colonel promet que la justice décidera du sort d’Alpha Condé. Cependant, le sort des anciens dignitaires livrés à la volonté d’une opinion revancharde, est scellé par la junte qui a pourtant juré de mettre la justice au cœur de toutes ses actions. Comme pour dire que les ennemis doivent eux-aussi subir ce qu’ils ont fait subir aux autres. Sauf que la meilleure façon de se venger d’un ennemi, c’est de ne pas lui ressembler, conseille Marc Aurèle.
Mognouma