Situation au Mali au prisme de l’objectivité absolument (Par Dr Dansa Kourouma)
A ce niveau de collecte des informations sur la situation malienne,je partage mes analyses sur ce dossier très délicat qui risque jurisprudence dans la sous-région.
C’est autant comme le cas de la Guinée-Bissau, de la Côte d’Ivoire et de la Guinée, l’incohérence et la légèreté de la CEDEAO dans la gestion de ce dossier risquent de saper la crédibilité et la légitimité de l’organisation sous régionale la plus élaborée et la plus efficace en Afrique.
Le Mali :
- Pays en proie à une guerre identitaire et religieuse, avec des fractures profondes du territoire, des cœurs et des esprits.
- Histoire de coups d’Etat militaire dus aux mêmes frustrations et un sentiment parfois d’inefficacité de l’Etat à sécuriser les personnes.
Mais des récriminations graves contre les dirigeants démocratiquement élus. A qui on reproche le tripatouillage du processus électoral et une complicité dans l’enlèvement et la détention arbitraire du chef de file de l’opposition par des groupes djihadistes.
- la réélection contestée du président IBK pour son second mandat a été obtenue par césarienne a qui les maliens reprochent plusieurs années de gouvernance basée sur le clientélisme au plus haut niveau: famille, ami, connivence avec les religieux, connivence avec des groupes djihadistes corroborée par l’enlèvement et la détention spectaculaire du principal opposant à son régime…
- Le contexte actuel est la particularité critique en terme de perte de confiance des populations au pouvoir en place: mauvaise élection ayant entraîné un éclatement précipité des alliances politiques, sociales et confessionnelles entre le président IBk et ses alliés d’hier.
- L’imam Dicko apparaît comme une figure emblématique d’une vague de déception et frustration d’une partie importante de la population malienne. Ancien allié d’IBK qui fait et défait des gouvernements, Predicateur influent, Notable respecté par les maliens…
- devant un régime en agonie politique par manque de souffle populaire et une population aux mentalités revanchardes qui font appel à la rescousse d’une armée désorganisée, essoufflée et démoralisée par plusieurs années de guerres asymétriques et de violences de tous ordres.
- Là,la corruption, le laxisme et la pauvreté ayant induit la population à un désespoir viscéral ont mis le pouvoir d’Ibk dans une situation d’isolement total.
Ce qui a permis à une armée habituée des coups d’Etat de lui déposer sans effusion de sang.
En guise d’analyse,il s’agit d’un coup de force de l’armée applaudie par la population qui était en position de défaire un homme dont la poigne et le leadership étaient contestés.
Nous sommes dans une situation ambivalente qui soit :
⁃ du point de vue juridique, est une illégalité légitime;
⁃du point de vue Politique,une souveraineté exercée en violation des règles de bienséance démocratique mais assumée par une population désabusée;
⁃ Une remise en cause de la CEDEAO qui frise une défiance de la communauté par le peuple malien, avec des antécédents similaires malheureux.
De mon point de vue personnel, les risques que court le peuple malien sont énormes :
- la remise en cause des acquis démocratiques( fragilisation des institutions démocratiques et coupe réglée du processus électoral….) par ingérence poussée de l’armée…
- Le pays risque de s’isoler et de s’enfoncer dans une entreprise dangereuse de transition non accompagnée par la communauté internationale (violations des droits humains, règlements de compte des anciens dignitaires, injonctions de l’armée et des religieux dans le fonctionnement démocratique de l’Etat);
- La CÉDÉAO qui part au Mali divisée et affaiblie par des antécédents malheureux en Guinée Bissau, en Guinée, au Togo et en Côte d’Ivoire….
Le leadership actuel de la CEDEAO n’est plus rassurant et les questions d’égos ont pris le dessus sur l’intérêt des populations de la sous région.
La démarche de sortie de crise doit consister à :
⁃ prendre acte de l’éviction d’IBK et exiger sa mise en liberté et celle de tous ses collaborateurs;
⁃ Remettre le pouvoir à un Président de transition désigné par consensus de tous les acteurs majeurs du pays;
⁃ Mettre en place un gouvernement d’union national de transition sous l’égide d’un premier ministre issu des forces sociales qui aura pour mission de gérer les affaires courantes;
⁃ Organiser des élections générales dans les 6 mois;
⁃ Mettre en place une commission d’expert composée de civils et militaires pour la révision de la constitution dans les trois (3) mois qui suivent.
Toute cette démarche doit être coordonnée par la CEDEAO et l’Union africaine avec l’appui des nations unies.
En conclusion, aucun coup d’État n’est légal dans une démocratie. Pour ce faire,ils doivent être condamnés pour dissuader toute imitation.
Les pays n’ont pas les mêmes réalités, il faut rester intransigeant sur les principes universels qui ne sont pas l’apanage de la CEDEAO.
Tous les démocrates progressistes doivent aider la CEDEAO à disposer de la légitimité nécessaire pour continuer à jouer son rôle garant des droits de l’homme et des peuples, de la démocratie et de la stabilité de la sous région.
Les agitations de certains leaders de la sous région ne doivent pas nous faire oublier des vieux démons qui ont plongés les peuples africains dans une désolante régression.
Tout en restant ferme sur les principes démocratiques et le droit national, le peuple malien reste un peuple souverain. C’est à lui seul le dernier mot doit revenir.
Quel que soit le soutien apporté par la population aux militaires,ils doivent retourner dans les casernes pour s’occuper de la défense et de l’intégrité́ territoriale du Mali.
Si les civils ne peuvent avec l’accompagnement de la communauté́ sous régionale et internationale assurer une gestion efficace de la transition, alors la communauté́ internationale devra s’en charger de concert avec les populations.
Dr Dansa Kourouma
Pour l’observatoire ouest africain de la gouvernance démocratique