FNDC, 3è mandat, PPTE, gouvernance Condé: les confidences de Dr Ousmane Doré (interview 2è partie)

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Le mercredi, 29 juillet 2020, Dr Ousmane Doré, fraîchement porté à la tête du Mouvement National pour le Développement (MND) nous a accordé un entretien au cours duquel, il s’est prononcé sur plusieurs sujets de la vie nationale. Après avoir publié la première partie de cette interview dans laquelle Dr Ousmane Doré a décliné les raisons de sa venue en politique et les projets qu’il porte pour la Guinée, Planete7.com vous livre la seconde partie de cette entrevue. Dans cette partie, l’ancien ministre de l’économie et des finances s’est prononcé sur la lutte que mène le FNDC, le 3è mandat qu’on prête à Alpha Condé, la gouvernance  de ce dernier et l’achèvement du fameux PPTE.

Lisez sans modération !!!

Planete7.com: Depuis 2010, un civil dirige le pays. Quelle appréciation faites vous de la décennie de gouvernance d’Alpha Condé sur tous les plans ?

Dr Ousmane Doré: Je crois que cela peut faire l’objet d’un débat ou d’une grande interview en détails sur cette question (…) La réalité est que, quand vous faites une observation y a toujours du positif. Ici y a toujours du positif et y en a plein, on peut en parler[…] mais le simple fait de me demander pourquoi je m’engage en politique, si mon pays est sur une trajectoire que je sais, qui contribue à sortir mes parents, mes concitoyens de leur état de pauvreté, que les jeunes ne sortent plus de ce continent, de ce pays pour aller laisser leur vie dans la méditerranée et autres, à la recherche d’un bien être, peut-être que je serai resté dans mon confort quelque part à l’étranger ou dans mon village à Lola. Mais je me suis engagé parce que je crois fermement  que nous ne sommes là où devons être. Qu’il y ait du progrès ou une amélioration ces 10 dernières années c’est bien beau ! Ça veut dire que le régime actuel a fait certainement mieux que le régime précédent mais je suis venu dans ce combat avec l’idée que voici le potentiel où la Guinée doit être (…). Nous pensons que le potentiel de ce pays est très moyen de là où nous devons être. Il faut combler ça puisque le potentiel seul ne se mange pas. Donc pour nous, il est important que nous venions avec un autre modèle de développement qui puisse permettre aux guinéens dans leur ensemble de profiter de ce que la nature nous a donné en transformant ces ressources et en les partageant.

Êtes vous surpris de l’organisation du double scrutin controversé de mars dernier nous offrant une nouvelle Assemblée nationale et une nouvelle Constitution ?

A l’époque, moi j’étais un cadre de la banque africaine à Abidjan. J’ai dû observer ça à distance car je n’étais pas présent dans le montage ici de ces institutions. Mais tout ce que je savais, l’Assemblée nationale avait dépassé son mandat, donc il fallait renouveler. La question du calendrier devrait faire l’objet de discussion avec toutes les parties prenantes. Nous l’avons observé à l’étranger pour se rendre compte qu’il y avait des fossés et ça amener à ce que vous me dites peut-être un boycott ou une politique de chaise vide de la part de l’opposition pour n’avoir pas réussi à clarifier certainement certaines questions. Sur la question de la réforme constitutionnelle, oui je me suis informé mais mon silence par rapport à cette question était dû au fait que je suis un haut fonctionnaire d’une institution panafricaine, il m’était difficile de m’exprimer ou parler de questions politiques. Mais qu’à cela ne tienne, les réformes constitutionnelles se font. J’ai vu à Abidjan avec le président Alassane Ouattara qui n’a pas fait l’objet de tous ces problèmes que nous avons vécu chez nous ici. Je crois que le problème réel en Guinée, c’est peut-être l’interprétation de ces textes de loi qui laissait présager dans l’esprit de l’opposition que c’est fait à dessein pour avoir un autre mandat. Alors même par rapport à ça moi je me suis dit, même si c’est une revendication qui peut être légitime, j’estime que la constitution n’était pas à changer mais plutôt à modifier. Y avait moyen de s’asseoir au tour de la table. Parce que les réformes constitutionnelles concernent la vie nationale. Ce n’est pas juste la question de l’élection ou du mandat présidentiel, c’est un document qui touche à tous les aspects de la vie d’une nation. Mais ce que je peux vous dire, cette question est le reflet du comportement de la classe politique guinéenne en général. Nous sommes dans une situation où les gens ne voient pas l’intérêt national. Si nous faisons les divisions ou les confrontations, nous perdons tous. Mais est-ce que cette question ne pouvait pas être réglée au tour de la table ? Voilà ce qui se passe, y a les mêmes problèmes qui viennent pour l’échéance du 18 octobre. J’apprends qu’y a des conditions préalables, mais chacun est prédisposé au dialogue. Je suis peiné de savoir que des guinéens meurent ici à tout moment pour un rien. Je rends d’ailleurs hommage à toutes ces victimes qui sont tombées pendant ces moments. Ceci dit on n’a pas besoin d’en arriver à ce niveau. Donc il faut qu’on apprenne à ce parler, notre démocratie doit survivre. Le problème de la démocratie guinéenne qui marche je dirai à reculons parce qu’y a beaucoup de dysfonctionnements, ce qui est le reflet du mal guinéen. C’est-à-dire on met la question de l’égo devant, mais quand vous êtes politicien, y a que l’intérêt national qui doit vous animer. Moi c’est ce qui m’a guidé vers la politique. J’ai dû traverser le pays pour connaitre les aspirations profondes des populations mais personne ne m’a parlé de 3e mandat. Les gens m’ont dit, Dr Doré nous cherchons un espoir, quelqu’un qui peut porter nos aspirations […].

Justement cette question de 3è mandat se pose aujourd’hui et divise la classe politique. Vous constatez une volonté du président de la République de vouloir s’octroyer  un mandat de plus après le scrutin référendaire ? 

Qu’il y ait 3e, 4e ou 5e mandat quelque part je ne sais pas. Je dois vous dire très honnêtement, puisque je suis dans le réel et dans le concret, je préfère de savoir de lui-même (Alpha Condé ndlr) à travers une déclaration. Vous ne pouvez pas aller à une élection sans faire une déclaration. Moi je suis d’abord président de mon parti, vous ne savez pas si je serai candidat ou pas. Je le ferai à notre convention, et tous les partis qui ne l’ont pas fait le feront aussi. En ce moment il y aura la question de savoir est-ce que c’est un troisième mandat ou un mandat qui rentre dans le cadre d’une troisième république ?  En ce moment nous allons donner notre avis sur la question. Pour un politicien responsable, c’est de suivre son agenda et se dire deux choses : j’ai foi aux guinéens, je sais qu’ils veulent un changement, pour aller aux urnes je dois avoir 15 ou 50% à la ligne de départ je fais avec. Donc dans les jours à venir avec les conventions des partis politiques, on aura une véritable indication sur la question. 

Vous pensez que cette opposition qui a organisé des marches et qui continue de manifester est-elle capable d’assurer le contre-pouvoir avec efficacité ? Comment jugez la lutte qu’elle mène ?

Dans mon livre, j’ai lancé un appel pour une verticalité citoyenne. J’y crois ! Parce que notre, notre histoire nous enseigne. On a cru à tort ou à raison qu’on pouvait faire de la révolution à partir de là-haut mais nous avons vu à quoi ceci nous a conduit. Mais ce qui manquait à cela, c’était le peuple et le citoyen qui étaient laissés pour compte qui ne participaient pas à cette gouvernance. La verticalité citoyenne veut dire, avoir une citoyenneté active et responsable. En démocratie, ça suppose que le peuple soit souverain (…). Je suis d’accord qu’on exercice une pression au pouvoir mais qui ne soit pas dans la violence […]. Je rentre en politique pour qu’il y ait un terme à cette aberration (tueries dans les manifestations ndlr), ça n’a pas besoin d’être. Et d’ailleurs, je ne cherche pas à savoir d’où ça vient, je crois que l’Etat a une lourde responsabilité de situer les faits pour que ces morts d’hommes s’arrêtent. Donc pour résumer, une manifestation de rue n’est pas l’option du MND qui a beaucoup de choses à faire. C’est de montrer au peuple qu’il y a une voie de sortie de crise. C’est de montrer que pour le développement, la paix et la stabilité sont cruciales pour pouvoir arriver aux objectifs de développement. 

Vous avez été ministre de l’économie et des finances du gouvernement de large consensus. Dites-nous ce que vous avez pu réaliser et qui vous permis de dormir avec satisfaction et le sentiment du devoir accompli ? 

Beaucoup de sentiments de satisfaction, je le vis tous les jours. Notre passage qui a d’ailleurs été très bref dans le gouvernement de large consensus pour pratiquement 18 mois, à voir ce que les jeunes, les femmes de ce pays me disent, je satisfais. J’ai beaucoup de correspondances et des mails comme ça à partir de mon bureau à Abidjan ou même à Washington, pour me dire en quoi les mesures de redressement que nous avons apportées commencent à affecter leur quotidien. Ça c’est le sentiment que j’ai de mon passage dans ce gouvernement. Le fait que les populations soient conscientes que nous avons apporté des recettes. Il y avait une inflation galopante, qui avait entamé le panier de la ménagère, le taux de change qui était en chute libre, il n’y avait pas de réserves pour l’importation des biens et services. On a connu tout ça ici ! Donc quand nous sommes venus, nous avons pris les problèmes à bras-le corps, nous avons redressé l’économie, nous avons arrêté l’hémorragie financière parce que c’est de cela qu’il était question. Il y avait la mal gouvernance qui caractérisait notre pays avec de l’impunité. Ça, c’est l’une de mes satisfactions ! L’autre satisfaction, nous avons réussi à faire des grands allègements de la dette extérieure de la Guinée. Ce pays était quasiment surendetté, vous regardez les chiffres du fonds monétaire en 2007 quand j’arrivais ici, nous étions pris jusqu’à la gorge. C’était une situation intenable ! Les services de la dette dépassaient de loin les dépenses sociales du budget. Donc quand vous réussissez à mobiliser le club de Paris qui efface, vous mobilisez les multi latéraux qui effacent, c’est satisfaisant.

Vos regrets alors …

Le seul regret que j’ai, c’est le fait de n’avoir pas pu arriver au point d’achèvement (PPTE). Et j’étais à deux doigts d’en arriver. J’étais à Washington, j’avais négocié les derniers déclencheurs du programme avec le FMI, juste après des félicitations de la haute direction du FMI, j’ai appris par voie de presse que je suis évincé du gouvernement. Ceci dit c’est de facteurs exogènes qui ont amené ça mais tout était fait, tout était assaini pour que la Guinée retrouve un cadre macroéconomique consistant. N’eut été l’arrivée des militaires qui ont mis en cause tous nos acquis je suis sûr et certain que la Guinée serait dans une situation beaucoup plus intéressante. 

Donc on peut dire haut et fort que l’obtention du point d’achèvement de l’initiative pays pauvre très endetté (PPTE) a été un travail effectué par Dr  Ousmane Doré ?

Je le dis avec toute la bonne foi, je le dis avec les chiffres, j’ai accepté de venir ici pour la fonction de ministre de l’économie et des finances.  J’étais à Washington, encore il fallait négocier si je devais abandonner ma carrière puis que c’est de cela qu’il s’agissait, car le poste de ministre est un poste politique. J’ai estimé puisque nous n’arrivions pas à lever ce poids de la dette, qu’il fallait beaucoup d’efforts, pour mettre des reformes vertueuses et courageuses, j’ai donc décidé de venir. Mes équipes à l’époque en sont conscientes, d’ailleurs je rends hommage à mon secrétaire général feu Karamokoba Camara qui est décédé, qui était conscient que je suis venu avec cette volonté ferme qui a motivé mes équipes au ministère des finances. Et le président Lansana Conté avec qui j’avais le divorce idéologique par rapport à son programme de gouvernance, a fini par me choisir pour son meilleur interlocuteur au sein du gouvernement de consensus. J’étais le seul qui pouvais faire changer le président Conté l’avis ou faire passer une décision du gouvernement, cela est connu de mes collègues du gouvernement qui sont encore présents ici à Conakry. Oui cela fait partie de mes regrets car j’aurais dû faire ce point d’achèvement qui allait être l’aboutissement de tous les efforts que j’ai fournis dans le cadre des réformes dans ce pays. 

Entretien réalisé par :

Thiankoye et Timbi Diallo

(+224 621 99 15 74 / 628 58 70 01)

 

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