Maroc/Agadir : à la rencontre de monsieur Bah Thierno Aliou, ancien boursier et PDG de l’entreprise SECTOB

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Ancien boursier de l’Etat guinéen, Monsieur Thierno Aliou Bah est au Maroc depuis octobre 1984. Après ses études d’ingénieur d’Etat génie civil, il avait caressé le rêve de revenir dans son pays natal pour mettre à profit ses connaissances et son expérience. Mais malheureusement la Guinée n’était visiblement pas prête à accueillir cet ancien étudiant de l’école Hassania.

C’est ainsi par la force des choses, il créa son entreprise qui est un bureau d’étude en 2002 au Maroc. La société d’expertise de contrôle technique d’ouvrages d’arts et de bâtiments (SECTOB) qui a réalisé à peu près 20 mille ouvrages depuis sa création. Comment est-il parvenu à réaliser tout ceci dans un pays comme le Maroc ? Quelle a été sa force pour terminer ses études et travailler dans le royaume ? Son regard sur la situation des boursiers Guinéens au Maroc ?

Le patron de SECTOB nous a ouvert les portes de son bureau pour discuter avec lui et revenir dans cette interview sur son parcours qui inspire tous les Guinéens vivant au Maroc notamment ceux d’Agadir. Lisez !

Planete7 : Monsieur Thierno Aliou Bah bonjour !

Bah Thierno Aliou : Oui bonjour monsieur Diallo

Présentez-vous à nos lecteurs, qui est Thierno Aliou Bah qui vit au Maroc depuis plusieurs décennies maintenant ?

Pour commencer d’abord j’aimerais dire bonjour à vos lecteurs et à tous les Guinéens à travers le monde et je leur souhaite le meilleur. Je m’appelle Bah Thierno Aliou, je suis né à Labé, grandi à Mamou, je fais tout mon cycle jusqu’au BAC que j’ai passé en sciences Maths en 1981. Et puis j’ai trois années l’ENAM à la faculté des sciences techniques où on envoyait tous ceux qui faisaient génie civile, génie électrique, météorologie et génie mécanique. J’ai eu le concours pour rentrer à Poli et en 1984 y a eu le coup d’Etat de Lansana Conté et le CMRN et ils nous ont donné des bourses pour venir étudier au Maroc. Donc nous sommes les premiers boursiers de l’Etat guinéen du régime du CMRN. Donc depuis le 12 octobre 1984 effectivement je suis arrivé au Maroc et je vis ici depuis cette date où je suis actuellement.

je n’ai vraiment pas décidé de rester au Maroc.

Vous êtes le Président Directeur Général de la société SECTOB basée ici au Maroc notamment à Agadir. Avant tout, dites-nous comment êtes-vous arrivé là, jusqu’à être à la tête de cette grande entreprise ici ?

Alors je n’ai vraiment pas décidé de rester au Maroc. Lorsque je suis arrivé au Maroc y avait un sacré problème des étudiants Guinéens qui venaient ici parce que les grandes écoles, ils n’arrivaient pas à suivre les cours, c’était infernal. Donc arrivé à Rabat, on m’a dit qu’on ne peut pas prendre directement à l’école Hassania parce que les Guinéens qui étaient là-bas avaient de très mauvaises notes. Donc finalement je suis resté à Rabat une année à l’ENS. Donc après cette année, en 1985 j’ai fait le test pour passer à l’école des ingénieurs, l’école Hassania des travaux publics où j’ai fait 6 ans et puis je suis sorti ingénieur d’Etat génie civil en 1991. J’ai fait une année de recherche scientifique au centre royal de télédétections spatiales basé à Rabat. Après cela je suis venu à Agadir parce que je ne voulais pas continuer la recherche surtout que mon souci était d’avoir un peu d’expérience et de rentrer en Guinée. J’ai laissé la recherche scientifique donc je suis arrivé à Agadir où un bureau de contrôle avait besoin d’un ingénieur et depuis lors j’ai travaillé pendant 10 ans dans cette entreprise avant de créer ma société en 2002. Cette société où j’étais associé à un marocain, c’est cette société qui s’appelle SECTOB c’est-à-dire société d’expertise de contrôle technique d’ouvrages d’art et de bâtiments.  C’est ce qui fait qu’aujourd’hui ça fait plus de 21 ans que SECTOB est créée.

 

Parlez-nous de cette société SECTOB que vous dirigez depuis maintenant plusieurs années ?

SECTOB c’est un bureau de contrôle, pour vous donner une idée ce que c’est. En Guinée y en a comme SOCOTEC, VERITAS. Un bureau de contrôle, est chargé de vérifier à l’application des normes, surtout à Agadir c’est une région sismique où y a beaucoup de tremblement de terre, donc on vérifie les normes techniques, les normes sismiques et du respect des plans d’architecture et on contrôle les travaux, après on donne des attestations de stabilité. SECTOB est agréée depuis 2007 en tant que bureau de contrôle technique agrée auprès des sociétés d’assurance et de réassurance.

nous avons réalisé à peu près 20 mille ouvrages

Quelles sont vos réalisations phares au Maroc ?

-Depuis qu’on a créé SECTOB, il y a donc 21 ans de cela nous avons réalisé à peu près 20 mille ouvrages assez importants. Des ouvrages simples, des ouvrages très importants. Les ouvrages phares, par exemple, je suis un des rares bureaux de contrôle qui travaillent dans le domaine maritime. Donc nous avons pas mal d’expérience, par exemple l’extension du quai nord du port d’Agadir, nous avons une bonne partie de la cimenterie, ciment du Maroc qui était contrôlé par nous. On a fait le centre de broyage des orf lascars à la rentrée de Casablanca. Nous avons fait une bonne partie avec des projets très importants comme faire des résidences ici à Agadir d’un grand promoteur immobilier, nous avons fait des usines. Nous avons fait beaucoup de projets assez consistants et importants, ce qui fait de nous qu’aujourd’hui nous sommes une référence dans le domaine maritime.

Vous êtes ancien boursier de l’Etat guinéen, d’ailleurs les premiers, dites-nous dans quelles conditions vous avez étudiez au Maroc ?

-Lorsqu’on a eu la bourse en 1984, Air Guinée fonctionnait à l’époque donc c’est Air Guinée qui nous a amené à Rabat, ce que je veux dire nous avions voyagé dans des conditions idéales, malgré les retards mais ce qui était intéressant on était comme en famille. Nous sommes venus avec le commandant Korka, donc on pouvait rentrer dans le cockpit et discuter avec l’équipage, on mangeait du Maafé Tiga (sauce d’arachide ndlr). Et puis quand on rentrait Air Guinée débarquait à Rabat Salé pour nous prendre et on amenait tout ce qu’on voulait, des sacs d’oignons, des grands tapis de salon, vraiment c’était une très bonne ambiance en ce moment. Et puis on nous accueillait bien, on nous avait hébergé dans un hôtel à Rabat qui s’appelait grand hôtel de Rabat, on mangeait au restaurant tout était payé par l’ambassade, les malades étaient aussi pris en charge par l’ambassade, on allait chez des médecins privés pour te soigner au nom de l’ambassade tu ne payais rien. Et malheureusement tout ça s’est dégradé, ce qui fait qu’aujourd’hui ce n’est pas aussi évident si non c’était pas mal par à aujourd’hui.

Normalement après vos études, vous auriez pu rentrer en Guinée pour rendre à votre pays tout ce qu’il a pu faire pour vous pendant vos études. Que s’est-il passé finalement pour que vous vous installiez au Maroc ?

-Alors moi dès l’école j’ai trouvé du travail parce que j’avais fait un bon travail dans le domaine géotechnique. Le directeur qui était chargé de ce cours a été nommé par sa majesté le roi Hassan II (paix à son âme), directeur du centre royal de télédétection spatiale et il m’a amené avec lui, je faisais de la recherche scientifique avec l’université Laval du Canada et le centre national d’études et de recherche routière à Rabat. Donc j’ai participé à des études très importantes sur les glissements des terrains au Rif au nord du Maroc, mais comme je voulais toujours rentrer en Guinée, c’est ce qui a fait que je n’ai pas continué là-bas et continuer la recherche, parce que je me suis dit si je rentre en Guinée, un, on n’a pas beaucoup de glissements de terrain, en plus je n’ai pas beaucoup d’expérience. Donc c’est pour ça que je suis venu à Agadir où des amis à moi m’ont dit que y a un bureau de contrôle qui cherche un ingénieur. Donc je suis venu en attendant de rentrer en Guinée, je voulais faire beaucoup d’expérience mais le directeur du centre royal de télédétection spatiale m’a dit écoute si tu veux rentrer il n’y a pas de problème moi je te donne un billet aller et retour vas y voir l’environnement et puis tu me diras. Et effectivement je suis parti j’ai trouvé que ce n’était vraiment pas ça en 1992, ils étaient en train d’ouvrir les transversales, à Conakry y avait de la poussière et tout ce qui pouvait t’aider à t’installer te disent pourquoi tu es revenu, donc l’environnement était assez morose. J’ai été au ministère de l’éducation pour déposer mon dossier et j’ai vu l’accueil j’ai trouvé que ce n’était pas ça franchement. Donc ce n’est pas parce que j’ai voulu rester au Maroc, donc je suis revenu pour faire de l’expérience et puis j’ai quitté cette recherche scientifique, je suis venu à Agadir où j’ai fait le génie civil et moi mon rêve c’était de rentrer en Guinée où je vais travailler, où je vais enseigner mon idéal c’était enseigner à Poli. Et puis travailler, créer un bureau d’étude à moi où je peux faire des études de bâtiment. Donc c’était ça l’objectif voilà ! Alors je suis revenu, je me suis installé provisoirement en attendant que les choses changent en Guinée et puis j’ai commencé à travailler ici mas je n’ai pas oublié mon pays, parce que là à Agadir, j’assiste beaucoup les étudiants Guinéens, pas principalement, j’assiste tous les étudiants sub-sahariens et même les Marocains. Mais beaucoup plus les Guinéens, je les aide à trouver des stages et à beaucoup d’autres choses.

Aujourd’hui vous êtes installé au Maroc avec toute la famille. Comment s’est passée votre intégration ?

Mon intégration s’est passée naturellement, je n’ai vraiment pas eu de problèmes parce que ici j’ai un diplôme marocain dans une grande école d’ingénieur. Les autorités m’ont considéré comme un marocain à part entière, le seul problème que j’avais c’était de renouveler ma carte de séjour chaque année mais bon ça se passait normalement. Les enfants sont nés ici, plus de la moitié ils sont au Canada et aux Etats-Unis où ils continuent leurs cours mais ça se passe très bien. Ils sont autant Guinéens que Marocains, ils parlent l’arabe, ils n’ont pas mal d’amis ici, ils vont en Guinée en vacances, ils ont des amis Guinéens.

Quand je vais en Guinée j’essaie de partager mes connaissances gratuitement

Vous intervenez également dans l’humanitaire, vous aidez les personnes démunies, les associations ici au Maroc. Est-ce que vous le faites aussi en Guinée ?

-Comme je disais que j’aimais beaucoup enseigner ici j’ai décidé de faire des formations, parce qu’après 30 ans d’expérience dans le domaine depuis 1991 ça fait 32 ans maintenant, j’ai pratiqué le génie civil, j’ai fait beaucoup de séismes, je fais des formations à l’étranger, à Paris, Espagne, Bruxelles…je donne des formations ici à l’université à Agadir, à Meknès…alors j’ai décidé quand je vais en Guinée pour des raisons de famille je donne aussi des cours là-bas. C’est comme ça je donnais des séminaires de génie civil à l’école Obama, à l’université Mohamed VI de Conakry, à l’université Koffi Annan. Quand je vais en Guinée j’essaie de partager mes connaissances gratuitement pour aider les ingénieurs Guinéens pour qu’ils profitent de mon expérience. Hors mi ça j’ai amené pas mal de gens à la Mecque en Guinée, de la famille et des voisins et puis j’aide aussi les associations d’orphelins là-bas comme ici au Maroc, et quand je vais en Guinée je fais le nécessaire pour aider le maximum.

En tant qu’ancien boursier, quel regard portez-vous sur la situation des boursiers Guinéens ici au Maroc ?

-Effectivement la situation est très délicate pour les boursiers Guinéens qui sont là. Je vois que les bourses n’arrivent pas à temps, je sais que la conjoncture internationale est assez difficile, mais je sollicite que le gouvernement guinéen essaye d’améliorer la situation étudiants ici. Je pense qu’il faut un effort parce que les choses sont devenues beaucoup plus chères et les boursiers font le maximum pour étudier donc il faut le gouvernement essaye de les aider. Je fais aussi ce que je peux à mon niveau pour les aider.

Nous devons faire un pas en avant pour l’édification d’une Guinée juste, prospère et unie

Vous vivez hors de votre pays mais vous suivez forcément ce qui se passe en Guinée. Quel commentaire faites-vous sur sa situation sociopolitique ?

-Je suis un Guinéen, un vrai Guinéen, je suis foncièrement Guinéen. Donc je suis la situation sociopolitique de la Guinée et je souhaite une seule chose, qu’on fasse l’homme qu’il faut à la place qu’il faut comme disait le premier régime. Que les choses se fassent concrètement et qu’on essaye de développer notre pays, tant qu’on travaille le pays, on va essayer d’oublier les histoires d’ethnies, ici au Maroc on ne m’a pas considéré comme un étranger et ils tirent le maximum de ce que je peux apporter. Donc en Guinée aussi on doit faire la même chose, c’est-à-dire investir dans la jeunesse et essayer d’oublier cette histoire d’ethnie et tout ça c’est la pauvreté qui fait ça. Nous devons faire un pas en avant pour l’édification d’une Guinée juste, prospère et unie où tout Guinéen se sentira chez lui pour que le pays avance. J’aimerais aussi lancer un appel aux autorités, avant de lancer des projets, y a pas mal de Guinéens qui sont bien placés, qui font des choses extraordinaires à l’étranger partout dans le monde. De faire appel à ces compétences, cela peut beaucoup aider le pays à optimiser assez de choses pour faire profiter l’expérience acquise à l’étranger je pense qu’il n’aura aucun Guinéen qui va refuser d’aider son pays.

Votre mot de la fin Monsieur Bah !

-Je vous remercie Monsieur Diallo pour cette interview, je vous souhaite bonne chance, je salue tous vos lecteurs et à bientôt. Merci !

 

Entretien réalisé par Pathé Diallo pour Planete7

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