Vingt (20) mesures pour diminuer la vie chère au Sénégal ? (Par Magaye Gaye)
Les nouvelles autorités du Sénégal ont martelé leur volonté de s’attaquer à trois chantiers prioritaires à savoir l’emploi, la lutte contre la vie chère et la corruption.
Après la première réflexion bouclée il y’a une semaine sur le premier thème, nous allons attaquer la seconde concernant la vie chère et ce, à quelques heures de la fête du premier Mai.
UNE INFLATION IMPORTÉE INCONTRÔLABLE ?
Les autorités politiques et monétaires devraient se rendre à l’évidence que l’inflation actuelle n’a pas une origine monétaire classique et n’est pas liée à une surchauffe de l’économie. Elle est due plutôt à un déficit de l’offre mondiale, à une augmentation du coût du frêt maritime et au renchérissement du pétrole et du dollar. Sans oublier les conséquences de la guerre russo-ukrainienne sur les chaines de production. Dans une moindre mesure existent quelques stratégies spéculatives des acteurs.
Étant fondamentalement d’origine extérieure, les mesures conventionnelles monétaires ainsi que les longues concertations nationales entre les gouvernements et le secteur privé avec comme objectifs d’appliquer des remèdes administratifs au problème pourraient s’apparenter à un coup d’épée dans l’eau. Ça, le gouvernement sénégalais devrait en être conscient. En revanche, un travail de fond, dans la durée est absolument nécessaire pour venir à bout de la problématique.
DES MESURES STRUCTURELLES CONSTITUENT APPAREMMENT LE SEUL ET UNIQUE REMÈDE
D’emblée, il convient de préciser que les pistes classiques du genre homologation des prix et renforcement du contrôle par le recrutement de volontaires pourraient globalement sembler inefficaces.
S’agissant de l’homologation des prix, c’est une piste peu gérable sur des produits multiples. L’État Sénégalais qui manage plusieurs priorités en ce moment pourrait objectivement ne pas avoir le temps nécessaire pour gérer cette question et ce, dans un contexte de forte évolution des prix sur le marché international et de nouvelles tensions géopolitiques au Moyen-Orient Orient. L’État n’a pas les moyens humains techniques et financiers de tout contrôler.
Quant à la proposition relative à la création d’un corps de volontaire des consommateurs, sa faisabilité pourrait être limitée en tenant compte du nombre important de commerces en activité sans compter les risques possibles de corruption détectés souvent dans les missions de contrôle.
Toutefois, dans certaines filières comme celle de la banane des mesures immédiates s’imposent. Comment expliquer en effet qu’un kilogramme de bananes acheté par les grossistes à 200 FCFA dans la région de Tambacounda soit revendu à Dakar à 1000 FCFA au détail . Les commerçants grossistes et détaillants devraient être d’avantage contrôlés. Ce n’est pas décent qu’ils gagnent plus que le producteur.
Cela étant, le vrai remède à la hausse des prix devrait étre d’origine structurelle.
LES 20 MESURES PROPOSÉES
1 Auditer les subventions pour s’assurer de leur pertinence économique en termes de bénéficiaires et de coûts supportés par la collectivité.
2 Mettre en place une stratégie de maîtrise des cours sur les marchés internationaux en ayant recours aux techniques de couverture du risque de change sur les marchés à terme d’instruments financiers,
3 Augmenter la production locale: agricole, maraîchère, élevage, aviculture, pisciculture et produits transformés
4 Explorer de nouveaux fournisseurs internationaux.
5 Interdire temporairement l’ exportation de produits viviers produits localement comme le mil, le haricot, le maïs, le sorgho et ce pour renforcera la sécurité alimentaire et mieux anticiper les risques éventuels de famine
6 Promouvoir un changement de comportement structurel concernant les deux entités les plus concernées par le pouvoir d’achat à savoir l’Etat (économie de dépenses et réorientation des priorités économiques) et les ménages (sensibilisation à un changement de comportement en matière de consommation notamment alimentaire, énergétiques et hydraulique). Les modules d’économie familiale devraient être renforcés dans les écoles.
7 Auditer les sociétés d’eau et d’électricité pour s’assurer notamment de la pertinence de leur politique de management et de tarification
8 Au niveau de la santé, acheter en gros et de préférence de médicaments génériques, accélérer les actions de prévention et valorisation de la médecine traditionnelle.
9 Organiser dans chaque quartier des actions communautaires de surveillance des prix pratiqués par le commerce de détails.
10 Corriger notre dispositif monétaire relatif au franc CFA. Notre impuissance face à la hausse du coût des importations induite par la montée du dollar en est une illustration. Si les pays utilisateurs de cette monnaie avaient une maîtrise sur leur monnaie commune, ils auraient pu envisager une dévaluation compétitive.
11 Anticiper et contrecarrer de possibles ententes délictuelles entre opérateurs sur des marchés oligopolistiques comme la cimenterie ou les télécommunications
12 Créer sur toute l’étendue du territoire national des boutiques témoins capables de concurrencer le commerce de gros et de détail. Pour plus de célérité, ces boutiques pourraient être confiées à l’armée. Oui nous sommes dans une situation de guerre contre les prix excessifs.
13 Développer des politiques commerciales de contingentement caractérisées par une limitation forcée de certains produits d’importation comme le blé, et le riz.
14 Relever le taux d’allocation de la commande publique aux nationaux par augmenter leur pouvoir d’achat
15 Mener une politique minimum de protection en dépit des règles de l’OMC. Tous les grands pays se protègent par les barrières non tarifaires, les crédits à l’exportation, les subventions à l’agriculture etc
17 Asseoir des unités compétitives de transformation des matières premières locales.
18 Appliquer des mesures sectorielles de télétravail pour limiter les budgets de transport des ménages
19 Appliquer des prix de références révisables dans les commandes publiques
20 Inciter les banques centrales à abandonner l’option de resserrement monétaire
Magaye GAYE
Economiste International
Ancien Cadre de la BOAD et du FAGACE
0022177 245 07 58