Tribune: Le complexe noir, le mal africain (Par Maurice Togba Haba)

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Tous les impacts négatifs qu’a connus l’histoire des peuples noirs sont nés du choc Culturel (contact avec les autres civilisations). Qu’aurait été l’Afrique de nos jours si elle n’avait pas connue la présence étrangère? Un Continent indigène ? Certainement pas car l’Afrique Noire du temps médiéval fut la première à abolir l’esclavage au XIIIème siècle (charte de kouroukanfouga)  près de 5 siècles avant l’occident. Tout comme les cités grecques et romaines, il existait aussi en Afrique à travers les royaumes et les empires, des formes d’organisations sociales et politiques (le Mali, le Songhaï, le Mossi …). Oui l’Afrique Noire je précise, a toujours été un havre de civilisation.

Conscients du don naturel que regorge le continent et surtout de la force physique de ses hommes,  qu’eux les occidentaux ne pouvaient imaginer qu’à travers la mythologie , il fallait très rapidement trouver le moyen d’empêcher une possible avancée du jeune et riche continent . La stratégie pour eux  fut d’abrutir le peuple noir en l’infligeant les traitements les plus dégradants et humiliants jamais connue par la race humaine (l’esclavage, la colonisation, l’apartheid…), réduisant l’homme noir à la plus petite expression de l’existence humaine.

Il a fallu des années et des siècles de luttes menées par les  dignes fils et filles de la descendance noire à travers le monde (Afrique, Amérique, Europe …) pour réaffirmer l’identité culturelle de l’homme noir et ce souvent au prix de leurs vies. C’est pourquoi dans chacun de nos agissements et avant chaque acte posé,  nous devons penser aux sacrifices consentis par tous ces pionniers, pour éviter de rendre leur combat vain. Malheureusement le constat dans nos États reste amer au vu de tous ces conflits politiques, religieux et ethniques.

Le seul problème de l’Afrique réside dans la mauvaise appropriation des valeurs étrangères qu’elle embrasse ou qu’on l’impose. 

Sur le plan social: Nous avons abandonné nos traditions et mœurs au profit de la dépravation occidentale (mode vestimentaire, habitude alimentaire…) avec des conséquences majeures sur la vie des populations par l’apparition et la prolifération des maladies  métaboliques et vénériennes dues aux mauvaises mœurs copiées de l’Occident (Consommation de la drogue et des aliments à composition chimique, mauvais usage des nouvelles technologies…).

Nos rapports avec le divin (islam, christianisme) ont aussi cette dose de civilisations étrangères, ils ont réussi à nous aliéner jusqu’à la foi, nous imposant même leur croyance. Pourtant d’autres parties du monde (Chine, Japon, Inde..) ont elles aussi  été colonisées comme l’Afrique et sont restées fidèles à leurs pratiques religieuses (le bouddhisme, le dadaïsme..), de nos jours ces états sont comptés parmi les plus émergents de la planète. Loin de vouloir juger les choix des uns et des autres, je veux simplement signifier ma grande désolation quand je vois des nations qui brûlent en Afrique dans des conflits religieux.

Sur le plan politique: La démocratie bien qu’étant considérée comme la meilleure forme d’exercice du pouvoir politique, nous a été imposée par l’Occident (Discours de La Baule) comme pour dire qu’ils se soucient de la gouvernance en Afrique. Pourtant après les indépendances, ceux sont les mêmes qui ont débarrassé l’Afrique de ses dignes fils (panafricains) afin d’imposer leur nouvelle forme de colonisation, ils n’hésitent pas à braver les piliers de cette démocratie quand un système ne leurs pas favorable.

Combien de chefs d’états Africains ont été victimes du machiavélisme occidental ??? Thomas Sankara , Patrice Lumumba , Mouhamar Khadafi … Rappelons-nous qu’ils ( les occidentaux) ne manquent jamais d’arguments pour justifier leur manœuvres malsaines. L’ancienne colonisation avait pour argument la civilisation, avec la fameuse équation: C=C (colonisation = civilisation), aujourd’hui la nouvelle colonisation s’appuie essentiellement sur un principal argument : la Démocratie.

En violation des instruments du droit international (non-ingérence dans les affaires interne d’un Etat) , ils défont et font des régimes en Afrique, arrêtent , jugent et condamnent nos dirigeants pour des faits ( crime contre l’humanité) dont ils sont les principaux instigateurs . Les seuls pratiquement à comparaître devant leur juridiction politique au service du néocolonialisme (CPI), sont africains. De tels constats devraient nous interpeller et nous amener à réévaluer les produits occidentaux, d’où la nécessité de savoir : doit-on démocratiser l’Afrique ou africaniser la démocratie ?

Sur le plan économique: Après avoir dépouillé l’Afrique de ses bras valides et de ses matières premières au XVIII siècle (révolution industrielle). Au XXème siècle , c’est l’Afrique qui payera les conséquences des échecs du capitalisme ( crise économique des années 30 ) qui conduiront le monde vers l’une des guerres les plus sanglantes de son histoire ( 2ème guerre mondiale ) par l’envoi de ses fils sur les champs de guerre auprès de l’oppresseur.

À la fin de la guerre, les signaux de l’économie mondiale étaient complètement au rouge. Pour  redresser la courbe, des institutions financières furent créées, appelées : les institutions de Breton Wood (banque mondiale, fonds monétaire international) pour soutenir l’économie des États.

Malheureusement, ce soutien financier pour l’Afrique se transformera en un endettement exacerbant, hypothéquant du coup les richesses de son sol et de son sous-sol. Il faut que les fils et filles du continent prennent conscience du défis que leur impose la mondialisation car dans un tel élan de concurrence, il serait utopique de croire que sur un même terrain de compétition, l’adversaire nous donnerait les moyens de l’atteindre, le seul but pour lui consiste à dominer son concurrent ou à lui rendre dépendant. C’est ce qui explique les raisons du refus de voir l’Afrique émergée et être autodéterminée. Ainsi pour la dominer, il faut l’appauvrir. Ne dit-on pas qu’un peuple qui a faim, n’est pas un peuple libre ???

Je souhaite terminer en mettant un accent particulier sur le respect des libertés individuelles dans un contexte social dominé par la religion, qui ne devrait aucunement être un frein à l’exercice de nos droits. Nous  sommes libres d’exprimer et d’interpréter dans la langue de notre choix toutes les productions humaines quel que soit la source, je ne vois aucun mal à traduire dans une langue plus accessible à la compréhension, la parole divine à partir du moment où l’objectif consiste à adopter une attitude saine et conforme à cette dernière. Nous  ne devons pas demeurer esclaves des valeurs externes à notre civilisation (africaine).

Dieu est omnipotent et omniscient, il comprend tous les langages même celui des sourds-muets. Il faut débarrasser nos religions de la colonisation culturelle, nul n’ignore le but recherché par certaines personnes véreuses qui se servent de la religion comme moyen de propagande et de domination. Rappelons-nous de la façon dont toutes ces religions ont été introduites en Afrique : les almoravides vers la fin du VIIème siècle et les impérialistes occidentaux au XVeme siècle.

Ceux sont des valeurs bien qu’intégrer  dans nos sociétés de nos jours, qui nous ont été imposées. Où est le problème si nous voulons nous les approprier??? Aucune langue n’est universelle à mon sens, encore moins divine.

Ne soyons pas complexés et  défendons inéluctablement notre culture car c’est la seule richesse identitaire qui soit et le respect du peuple noir passe forcément par là. Pour nous dominer, les autres n’ont utilisé qu’une seule arme : la destruction systématique et intégrale de toutes nos valeurs culturelles.

En vrai aucune civilisation n’est supérieure à une autre, la différence réside dans le combat qu’on fait pour la promouvoir et l’imposer. Comme le prédisait Léopold Sedar Senghor : si l’humanité devrait connaître une troisième guerre mondiale, elle serait  culturelle.

À méditer !

Signé Monsieur Maurice Togba Haba 

(Enseignant chercheur, chargé de cours à la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques de l’Université Général Lansana Conté de Sonfonia )

 

1 commentaire
  1. Sekouba KAMANO dit

    En partant de notre analyse de la situation ( le retard) économique, politique, religieuse et socioculturelle de l’Afrique en vous basant sur le contact avec l’occident est certes vraie mais insuffisante.
    En dépit de ces causes érogènes (la domination étrangère), il y’a également les causes endogenes qui ne sont pas moins importantes à mon sens.
    Cela est d’autant plus manifeste que beaucoup d’autres États ont été victimes de la domination étrangère mais ils ont su mettre en oeuvre leur savoir et savoir faire pour amorcer leur processus de développement.
    En l’espèce nous pouvons citer : la Chine, le Japon, la Corée, les États-Unis, l’inde, etc.
    Il revient donc à dire que la domination étrangère n’explique nullement le retard de l’Afrique.
    Par ailleurs, le retard du continent africain s’explique d’une part par le comportement de nos responsables à tous les niveaux, qui n’ont aucun patriotisme à l’égard du continent africain.
    Ils orchestrent et favorisent la corruption, le détournement des dénués publics, le clientelisme, les évasions fiscales, la prostitution, le blanchiment d’argent, le faux et l’usage de faux, les pots de vain,.. En un mot la mauvaise gouvernance chronique.
    Cela est d’autant plus vrai que nos dirigeants détournent nos richesses pour les placer dans les banques étrangères, ils favorisent leurs propres familles quand il est question de bonheur comme le reafirme un adage africain : » en Afrique le pouvoir et l’avoir se bouffent en famille « .
    En résumé nous pouvons affirmer que le retard de l’Afrique est à la fois externe et interne.

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