Transition en Guinée : le CNRD est-il sur les traces du CNDD ?
Comme beaucoup de nos compatriotes guinéens, j’ai soutenu avec beaucoup d’enthousiasme et d’espoir le coup d’Etat du 05 Septembre 2021.
Ce brusque changement de régime qui a donné une lueur d’espoir aux guinéens, paraît aujourd’hui se muer en inquiétudes, aux regards des actions politiques posées par le CNRD.
Comme je l’ai pourtant partagé dans une tribune le 04 août 2022, la réussite de la transition doit être le sacerdoce ultime du CNRD.
En effet, le CNRD en tant qu’organe principal de définition et d’orientation stratégique de la politique économique, sociale, culturelle et de développement du pays, est-il désormais dans une perspective de respecter les engagements de prise de pouvoir ou devons-nous désormais nous attendre à une confiscation pure et dure du pouvoir ?
En effet, sur le plan technique tout porte à croire que l’engagement fait par le président de la transition de quitter le pouvoir à l’issue de la transition en fin d’année 2024 ne sera pas respecter, puisque les préalables devant être fait pour aboutir à l’organisation des élections reste inachevé.
Les opérations de recensement de la population ne sont pas encore programmées et les modalités du referendum constitutionnel en vue restent inconnues par nos compatriotes.
Sur le plan financier, le budget faramineux de 600 millions de dollars demandé par le gouvernement pour financer le processus et l’organisation des différentes élections dénote un manque de volonté évident de la junte à entamer le processus du retour à l’ordre constitutionnel.
Comparativement à la Côte d’Ivoire et au Sénégal, où les dernières quatre dernières élections (2015-2020) ont coûté respectivement 23 millions d’euros et 133 millions d’euros, la Guinée elle, a budgété 139 millions d’euros. Cela montre le caractère inédit, budgétivore et exclusif dans la sous région ouest africaine, en matière d’organisation d’élections crédibles.
Cela illustrerait également un manque de volonté notoire prétextant justifier le retard constaté sur le déroulement du calendrier.
Sur le plan respect des droits de l’homme, les dirigeants actuels se sont quasiment renié en ne respectant plus la charte de la transition qui a été approuvée et adoptée en conformité avec les aspirations légitimes de nos compatriotes. Les violations du droit à la liberté d’expression à travers la fermeture de plusieurs médias, la coupure prolongée d’Internet, l’interdiction des manifestations sur la voie publique, l’enlèvement des acteurs sociopolitiques pour une destination inconnue…. Il est évident désormais que les autorités actuelles ont choisi de tourner le dos aux droits les plus élémentaires garantis par la charte de la transition.
Sur le plan judiciaire, l’ouverture du procès sur le massacre du 28 septembre 2009 restent une avancée majeure dans l’histoire judiciaire de notre pays. Par contre qu’en est -il des assassinats dans les différentes manifestations sous le régime du CNRD ? La crief en tant que nouvelle juridiction pour la répression des infractions économiques et financières a été pour moi l’une des plus belles créations dans l’histoire récente de notre pays, elle aurait pu non seulement assainir la scène politique à travers la condamnation de plusieurs prédateurs économiques qui se sont converti après en acteur politique pour protéger les biens mal acquis, mais aussi elle aurait pu être un héritage dans le système de gouvernance de notre pays. Malheureusement la crief semble désormais instrumentalisé à partir du moment où toutes les personnes interpellées et poursuivies ne sont pas encore situées sur leur sort, la lenteur dans l’exécution et le traitement de certains dossiers fait penser à des visés purement politiques.
Si j’ai toujours dénoncé l’Etat d’effondrement de notre pays depuis mon engagement politique en accusant directement l’Élite qui a eu le privilège de conduire la destinée de notre pays, les dirigeants actuels se sont malheureusement inscrits dans la même logique, vivre dans l’ostentation alors que la populace végète dans une précarité profonde.
La volonté non assumée du CNRD a confisqué le pouvoir ne peut qu’exacerber les tensions et plongé notre pays dans une crise multiforme dans laquelle le pays n’en sortira pas gagnant. Le discours du président de la transition et les raisons de la prise du pouvoir par le CNRD ne saurait être légitime qu’en respectant la parole et les promesses tenues envers nos concitoyens. Vouloir se renier et rompre le pacte avec son peuple serait une approche fâcheuse. Notre pays a besoin de stabilité et un développement sérieux, il faut que chaque entité qui constitue notre Etat joue pleinement son rôle, nos forces de défense et de sécurité doivent rester dans son rôle de défense de l’intégrité territorial et non trouver des voies et moyens pour s’ingérer dans la vie politique.
Forces est aussi de reconnaître que beaucoup de leaders politiques ont déçus et continuent de décevoir les guinéens en cette période si sensible de la transition. Le peuple ne peut comprendre l’attitude d’un leader politique qui aurait applaudi et salué l’avènement du CNRD, et par la suite refusé de dialoguer avec lui pour des raisons personnellement égoïstes. Ce comportement et beaucoup d’autres m’amènent à me demander si le retard actuel constaté de la transition est imputable uniquement au CNRD? Les leaders politiques, représentatifs, aujourd’hui résignés ou en cavale ne sont-ils pas responsables de ce retard au même titre que les autorités militaires ?
C’est pourquoi au sein de l’Upag Les patriotes, nous avons opté pour l’émergence d’une nouvelle dynamique politique qui se démarque de la pourriture politique politicienne à laquelle le guinéen n’inspire plus confiance.
MAMADOU BASSIROU DIALLO
chargé de la communication de l’organe provisoire de direction de l’Upag Les patriotes