Simandou 2040 : Un Horizon de Prospérité ou un Mirage à Prévenir ? (Par Abdourahmane NABE)
Dans un pays où les ambitions de développement se heurtent souvent aux défis structurels et aux intérêts divergents, le Programme Simandou 2040 se présente comme une vision nationale de transformation socio-économique durable et responsable. Porté sur 15 ans, il ambitionne de structurer l’avenir de la Guinée autour de cinq piliers stratégiques : agriculture et commerce, éducation et culture, infrastructures et technologies, économie et finance, ainsi que santé et bien-être.
À première vue, cette démarche traduit une volonté de planification à long terme, indispensable à toute nation aspirant à la prospérité. Mais la réussite de ce programme repose sur un défi fondamental : s’assurer que les ressources du pays, notamment issues du Projet Minier Simandou, servent véritablement à financer cette ambition collective.
Un Programme à Ne Pas Confondre Avec le Projet Minier Simandou
Contrairement au Programme Simandou 2040, qui se veut un plan global de développement national, le Projet Minier Simandou est une initiative spécifique d’exploitation du plus grand gisement de fer non exploité au monde. Réparti sur quatre blocs entre Kérouané et Beyla, ce projet intègre plusieurs infrastructures stratégiques : une mine, un chemin de fer multi-usages, un port en eau profonde, ainsi qu’une future unité de transformation du fer en acier.
Prévu pour entrer en production d’ici fin 2025 ou début 2026, le projet minier devrait générer jusqu’à 120 millions de tonnes de fer par an à plein régime, sous l’exploitation des compagnies Rio Tinto et Winning Consortium Simandou (WCS). La Guinée bénéficie dans ce cadre de 15 % de parts gratuites sur la mine, le chemin de fer et le port, ainsi que 5 % dans l’aciérie.
Un Risque de Dualité ou une Opportunité d’Alignement ?
Si le Projet Minier Simandou représente un moteur de croissance immédiate, une interrogation majeure subsiste : comment garantir que ses retombées économiques alimentent véritablement le Programme Simandou 2040 et non des intérêts particuliers ?
L’histoire récente de la Guinée montre que les grands projets miniers n’ont pas toujours profité au développement national, en raison de :
La faiblesse des mécanismes de contrôle : des revenus miniers souvent mal redistribués.
L’absence de transformation locale : les matières premières sont exportées brutes, sans création de valeur ajoutée.
La mauvaise gouvernance : des risques de corruption et de détournements limitant les bénéfices pour la population.
Le cas Simandou pourrait-il suivre cette trajectoire ? Le risque est double :
Une exploitation qui enrichit peu la Guinée – Si les recettes minières ne sont pas judicieusement réinvesties, le pays pourrait continuer à exporter son fer brut tout en restant dépendant des importations pour son développement.
Une fracture entre ambitions nationales et réalités locales – Si les populations riveraines ne bénéficient pas directement des infrastructures ou des opportunités économiques, des tensions sociales pourraient émerger, compromettant la stabilité du projet.
Un Impératif de Gouvernance et de Contrôle
Pour que Simandou 2040 ne reste pas un simple slogan, plusieurs prérequis sont indispensables :
✅ Une gestion transparente des revenus miniers, avec des mécanismes de contrôle rigoureux pour éviter la corruption et les détournements.
✅ Un alignement stratégique entre les projets miniers et les autres secteurs économiques, afin que les recettes issues du fer financent efficacement les cinq axes du Programme Simandou 2040.
✅ Un cadre réglementaire exigeant, obligeant les exploitants miniers à investir dans la transformation locale du fer, pour créer de la valeur ajoutée et des emplois en Guinée.
✅ Une approche inclusive, garantissant que les populations locales bénéficient de formations, d’emplois et d’infrastructures durables.
Simandou 2040 : Une Vision à Concrétiser
Le Programme Simandou 2040 incarne un espoir légitime pour les Guinéens. Mais sans un pilotage rigoureux, une gouvernance transparente et un engagement réel en faveur de l’intérêt collectif, il risque de rester un mirage économique.
Le défi est donc clair : faire de Simandou non seulement un moteur de croissance minière, mais aussi un levier structurant pour l’ensemble du pays. L’avenir de la Guinée ne doit pas se jouer uniquement dans son sous-sol, mais dans sa capacité à transformer ses richesses en développement durable et partagé.
Abdourahamane NABE
Responsable Mécénat Santé et Solidarité
drastone70@gmail.com
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