Sénégal : la décision de suspendre l’exportation des graines d’arachide est-elle vraiment opportune ? (Par Magaye Gaye)

À compter du 15 Novembre 2024, toute exportation de graines d’arachide est suspendue jusqu’à nouvel ordre.

Pour l’économiste que je suis ce n’est pas une bonne décision pour deux raisons

1- les capacités industrielles du pays semblent pour le moment, insuffisantes pour traiter toute la production estimée par le ministre de l’agriculture à 1 million de tonnes. De nombreuses corrections techniques et managériales devraient être engagées pour rendre compétitives des unités longtemps paralysées par l’interférence du politique dans leur gestion

2- Il faut, dans une phase transitoire et ce en attendant de réhabiliter l’outil industriel de production national permettre aux millions d’agriculteurs sénégalais de vendre leur production à des prix rémunérateurs quitte à aller vers les exportations. Les stratégies de lutte contre la pauvreté en milieu rural l’exigent

LES MESURES D’ACCOMPAGNEMENT

1- En fonction des capacités industrielles effectivement réhabilitées, il peut être envisagé la possibilité de réserver dès cette campagne des quotas à l’usinage national

2- Le Gouvernement pourrait relever significativement le prix d’achat officiel au producteur quitte à envisager la possibilité de subventionner les industriels performants sur la base cependant d’un cahier de charge exigeant la vente des quantités d’huile produites sur le marché national

CHANGER ENFIN DE VISION

L’industrialisation comme la panacée peut être justifiée si on se réfère aux progrès importants que cette transformation a permis à l’humanité de réaliser.

Cependant force est de constater qu’en Afrique et dans les pays en développement, les contraintes sont nombreuses. Un pays comme le Sénégal a vu depuis les indépendances son secteur industriel péricliter au point de devenir marginal

Plusieurs facteurs expliquent cette désindustrialisation

1- L’absence d’accompagnement des pouvoirs publics

2- Le peu d’intérêt accordé par le secteur privé à une activité de transformation pénible, capitalistique et peu rentable.

3- Le déficit de financement causé par un système financier peu tourné vers les activités à risques.

4- Dans 25 % des pays du continent, l’existence d’une monnaie forte qui gêne considérablement les exportations

5- Les sempiternelles problématiques de gestion exacerbées par un environnement culturel local inquisiteur et une absence d’impunité.

Dans la mesure où les réformes pour garantir une industrialisation de qualité requièrent des délais de mise en œuvre, je me demande si l’option n’est pas de permettre à des millions d’agriculteurs de vendre leur production à des prix rémunérateurs quitte à aller vers l’exportation.

L’option d’une industrialisation coûteuse pour la société tend à privilégier une petite classe de managers politico-bourgeois incompétents et peu sensibles à l’intérêt général

 

Magaye GAYE

Économiste International

Ancien Cadre de la BOAD

Les commentaires sont fermés, mais trackbacks Et les pingbacks sont ouverts.

Accueil
Radio
Tv
Replays