Ramadan et carême : quand les travailleuses du sexe affrontent la disette et l’oubli

Alors que le mois de Ramadan et le carême imposent un temps de recueillement et de privation pour les fidèles musulmans et chrétiens, un autre pan de la société subit de plein fouet cette période de pénitence : les travailleuses du sexe. Dans un bar de la haute banlieue de Conakry, l’ambiance est morose. Clients absents, revenus en chute libre, résidentes en nombre réduit… La crise est bien réelle.

Dans l’un des bars où ces activités sont discrètement exercées, R.G., le gérant des lieux, observe une baisse drastique de la fréquentation. « Avant le Ramadan, nous pouvions réaliser jusqu’à 8 millions de francs guinéens en une soirée. Aujourd’hui, atteindre ne serait-ce qu’un million est un défi », confie-t-il, le regard inquiet. La salle VIP, autrefois animée, est désormais l’unique espace encore fréquenté, mais en effectif réduit.

« Les week-ends apportent une légère amélioration, mais rien de comparable aux affluences habituelles. Quant aux vendredis, c’est le pire jour : la journée est vide, et la nuit à peine plus animée », poursuit-il.

Les conséquences s’étendent bien au-delà des pertes économiques pour le bar. R.G. explique que de nombreuses travailleuses du sexe ont déserté les lieux. « Celles qui restent sont majoritairement des résidentes, elles vivent ici en permanence. Mais en vérité, il n’y a presque pas de travail. Certaines ont préféré rester chez elles, faute de clients. »

Le tarif des chambres, fixé à 30 000 francs guinéens, demeure inchangé, mais les transactions entre clientes et travailleurs du sexe, elles, deviennent plus incertaines.

Parmi celles qui ont choisi de rester, Makinine, une jeune femme au regard las, raconte son quotidien devenu précaire. « Depuis le début du Ramadan, les clients se font extrêmement rares. Avant, nous arrivions à tirer un peu de revenus, mais aujourd’hui, il faut s’adapter. »

Les prix, jadis négociés à la hausse, ont chuté. « Cela varie entre 20 000 et 30 000 francs guinéens. Parfois, on n’a pas d’autre choix que d’accepter les offres les plus basses, car c’est notre seul moyen de subsistance. Plus le client paie, plus il est satisfait, mais en ce moment, nous n’avons pas vraiment de marge de manœuvre », explique-t-elle.

Paradoxalement, malgré son activité, Makinine observe le jeûne. « Je suis musulmane. Une fois la nuit tombée, nous essayons d’acheter quelque chose à manger, puis nous continuons à attendre d’éventuels clients jusqu’à la fin du mois saint. »

B.K., une autre travailleuse du sexe rencontrée sur place, partage le même constat amer. « Les gens nous jugent sans connaître nos réalités. Chacun vit comme il peut. En ce moment, c’est une période très difficile pour nous. Avant, je pouvais gagner jusqu’à 300 000 GNF par nuit, mais aujourd’hui, obtenir 100 000 GNF relève de l’exploit. »

Elle insiste sur la baisse drastique de la demande : « Même la nuit, ce n’est plus comme avant. La plupart des clients jeûnent et évitent les sorties. » Son mode de tarification est clair : « Moi, je prends à partir de 50 000 GNF par éjaculation. Pour les autres, cela dépend d’elles, chacun gère son propre corps. »

Loin d’être un phénomène marginal, la prostitution demeure l’un des plus anciens métiers du monde. Si certains pays ont choisi de l’encadrer légalement, en Guinée, il reste un sujet tabou, souvent perçu comme une activité honteuse. Pourtant, derrière chaque visage se cache une histoire, un combat quotidien pour la survie.

À l’heure où la pénitence religieuse impose des restrictions à une majorité de la population, ces femmes, elles, continuent de naviguer entre précarité, stigmatisation et espoir d’un lendemain meilleur.

Mohamed Diallo pour Planete7.info 

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