Polémique autour de la grâce présidentielle : Me Mohamed II Kourouma dénonce une violation flagrante de la loi
La décision du général Mamady Doumbouya, président de la transition guinéenne, d’accorder la grâce à l’ancien chef de la junte militaire, le capitaine Moussa Dadis Camara, continue de provoquer de vives réactions au sein du milieu judiciaire. Le décret présidentiel, annoncé le vendredi 28 mars 2025 par le général Amara Camara, ministre secrétaire général à la présidence, est au cœur d’une controverse juridique. Certains experts estiment qu’il contrevient aux principes fondamentaux du droit.
Interrogé ce mercredi 2 avril 2025 dans son cabinet à Kankan, Me Mohamed II Kourouma, avocat à la cour d’appel, n’a pas caché son indignation. « Cette décision m’a profondément surpris. Les conditions légales d’octroi d’une grâce ne sont manifestement pas remplies. Moussa Dadis Camara a été condamné à 20 ans de réclusion criminelle par le tribunal criminel de Dixinn. Or, un appel a été interjeté tant par ses avocats que par d’autres accusés et parties civiles. L’affaire est toujours pendante devant la cour d’appel, qui n’a pas encore statué. C’est une atteinte grave aux règles judiciaires en vigueur », a-t-il déclaré.
Abordant les implications juridiques de cette mesure, Me Kourouma a rappelé les exigences strictes du droit de grâce. « Certes, le président de la République dispose du pouvoir discrétionnaire d’accorder une grâce, mais celle-ci ne peut intervenir que sur un jugement définitif et exécutoire. Dans ce cas précis, les voies de recours ne sont pas épuisées, ce qui rend la mesure juridiquement prématurée et irrégulière. » Il a par ailleurs souligné que ce décret viole l’article 170 du Code pénal, qui fixe le cadre légal d’application de la grâce présidentielle.
Cette affaire relance le débat sur l’indépendance de la justice en Guinée et la séparation des pouvoirs. Plusieurs acteurs judiciaires et organisations de la société civile s’interrogent sur les motivations réelles de cette décision et ses conséquences sur l’état de droit. La grâce accordée à un justiciable dont la procédure d’appel est toujours en cours crée un précédent juridique qui pourrait fragiliser la crédibilité des institutions judiciaires.
Dans un contexte où la transition politique en Guinée est scrutée de près, cette affaire risque d’accentuer les tensions et d’alimenter les suspicions sur une justice à géométrie variable. Reste à voir si cette polémique conduira à une réaction des autorités judiciaires ou si elle restera lettre morte.
Saliou Fatou Cissé, correspondant à Kankan pour Planete7.info
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