Notre modeste avis sur le plan Sénégal 2050 (Par Magaye Gaye)

Les autorités sénégalaises ont récemment présenté à l’opinion publique nationale et internationale le Plan Sénégal 2050. C’est une stratégie prometteuse, notamment en raison de son ancrage souverainiste et de ses identités remarquables. Cependant, il est crucial de rester vigilant face aux nombreux défis à relever.

SENSIBILITÉ SOUVERAINISTE

La quintessence du plan repose sur une volonté affirmée de souverainisme et de rupture avec les modèles économiques que le Sénégal a expérimentés depuis 1960. Les éléments d’appréciation suivants sont, à mon avis, un début rassurant quant à la posture de souveraineté qui devrait caractériser toutes les étapes de mise en œuvre de la stratégie :

  1. Le plan a été élaboré par des Sénégalais, alors que la tendance classique était de faire appel à des cabinets étrangers coûteux pour bénéficier d’une hypothétique signature internationale.
  2. L’accoutrement local du Chef de l’État témoigne d’un ancrage aux valeurs nationales et africaines, tandis que celui du Premier Ministre traduit une ouverture.
  3. Le panel de discussion est entièrement composé d’agents économiques et sociaux sénégalais.
  4. Une bonne partie des débats est menée en langue nationale.

IDENTITÉS REMARQUABLES

Il est évident que des éléments intéressants ont été notés dans le programme. Ces orientations, bien que classiques pour certaines, constituent des réponses adéquates aux difficultés identifiées :

  1. Moteurs de croissance : Les secteurs clés tels que les industries extractives, l’agriculture, l’agrobusiness, l’industrialisation et les services à forte valeur ajoutée sont bien identifiés.
  2. État stratège : L’avènement de l’État stratège est une nouveauté dans une tradition où l’État était souvent relégué à ses missions régaliennes et à la construction d’infrastructures.
  3. Recomposition du secteur privé : Relance et soutien au secteur privé national.
  4. Création de pôles de développement : Huit pôles de développement ont été proposés, ce qui représente une avancée, car cette idée a souvent été évoquée sans succès par les autorités précédentes notamment dans les politiques de décentralisation
  5. Réhabilitation du chemin de fer : Un point essentiel pour le développement du transport.
  6. Bonne gouvernance : Une tendance affirmée vers la bonne gouvernance, la reddition des comptes et la transparence économique. En tant qu’ancien cadre des organisations internationales, je peux affirmer que cela est décisif pour réussir tout plan de développement. Sur un plan strictement religieux. Le Coran, à la sourate 17, verset 81, nous enseigne : « Dis : La vérité est venue, et le faux a disparu. Car le faux est voué à disparaître. »
  7. Schéma de financement endogène : Un modèle de financement qui laisse peu de place aux road shows classiques, en s’appuyant sur le RARE (Renégociation des contrats, Assainissement budgétaire, Revenus du pétrole et du gaz, Élargissement de l’assiette fiscale).
  8. Modèles de réussite : Des pays comme le Japon et Singapour sont cités comme exemples à suivre.

OBSERVATIONS COMPLÉMENTAIRES

Malgré ces avancées notables, il est essentiel d’accorder une attention particulière aux actions à court terme pour une efficacité économique accrue :

  1. *Plan de redressement à court terme (2025-2029) * : Il est impératif de se concentrer sur les urgences. Au-delà de 2029, tout ce qui est proposé ne relève que de la prospective. Dans un monde incertain, régenter un avenir lointain peut sembler intellectuellement justifiable, mais sans grande utilité.
  2. Stratégie opportuniste : Développer une stratégie de contingentement sur certains produits importés, comme le riz.
  3. Relance de la SONACOS : Soutenir la trituration des oléagineux.
  4. Rachat des ICS : Agir au nom de l’intérêt national.
  5. Confier les Domaines Agricoles (DAC) à l’armée : Une solution à envisager pour une meilleure gestion.
  6. Audit de la SENELEC : Procéder à un audit général et envisager une libéralisation du secteur pour favoriser la concurrence.
  7. Restructuration des entreprises publiques : Une nécessité pour améliorer leur efficacité.
  8. Diversification de l’économie : Explorer de nouvelles spéculations comme la production florale, la culture du blé et le palmier à huile.
  9. Transfert de ministères économiques : Envisager des mesures immédiates pour déplacer certains ministères vers les régions. À l’heure des NTIC ce serait un bon début pour booster les politiques d’aménagement du territoire
  10. Implication de l’armée : Mettre à contribution l’armée dans le développement, en amplifiant les initiatives déjà en cours.
  11. Audit des subventions : Auditer toutes les subventions, y compris celles non énergétiques, pour s’assurer de leur pertinence économique.
  12. Politiques de substitution aux importations :
  13. Mettre l’accent sur la transformation de matières premières locales.
  14. Protection de l’industrie locale : Soutenir les industries locales naissantes.
  15. Campagne intensive de communication pour promouvoir le consommer local

 

  1. Recensement des inventions des sénégalais en vue de passer à la phase d’application

ATTENTION AUX DÉFIS

Plusieurs défis pourraient compromettre la réussite du plan :

  1. Restructuration de la dette : Un plan de redressement à court terme sans restructuration d’une dette insoutenable pourrait échouer. Un plaidoyer communautaire au sein de l’UEMOA est nécessaire pour obtenir une restructuration globale auprès des partenaires financiers internationaux
  2. Contrôle des lobbies nocifs : La maîtrise des lobbies qui nuisent à la production nationale est impérative.

Je ne cesse dans nos modestes analyses d’attirer toujours l’attention sur le fait que nos économies sont victimes de lobbies féroces qui ont tendance à privilégier les intérêts individuels nationaux et étrangers au détriment de ceux de la masse.

-Des décideurs ou collaborateurs qui profitent malencontreusement de leurs pouvoirs pour faciliter l’importation de tels biens ou services qui auraient pu être facilement produits localement. Exemple : les matériels et fournitures scolaires

-Des sociétés étrangères installées sur le sol national notamment dans l’agro-business avec pour mission d’exporter leur production pour permettre aux pays d’avoir des devises mais qui paradoxalement utilisent leur position pour vendre leur production au plan local tout en désorganisant gravement les prix aux consommateurs

– des entreprises situées dans des secteurs de rente important une grande partie de leurs matières premières et qui perçoivent des subventions étatiques indues obtenues grâce à la manipulation des prix à l’importation

– Les lobbys actifs dans la surfacturation et promptes à sous-traiter les marchés publics.

-Les lobbys facilitateurs d’exonération non justifiées

Des centaines de milliards sont ainsi perdus par la collectivité

Mettre hors d’état de nuire ces lobbys constitue une condition essentielle à la réussite du plan

  1. Monnaie handicapante : Le franc CFA représente un frein aux exportations et au financement de l’économie, un problème sur lequel les autorités doivent réfléchir dès maintenant.

 

Magaye GAYE

 

Économiste International

 

Ancien Cadre de la BOAD et du FAGACE

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