Les obligations de la diaspora : Pourquoi et comment la Guinée devrait s’y intéresser ? (Par Gaston BEAVOGUI)
Aujourd’hui, plus que jamais, s’impose la nécessité aux pays africains de réfléchir à des stratégies innovantes pour mobiliser les ressources à l’intérieur afin de faire face aux besoins sans cesse croissants de leurs populations. En effet, les défis du développement se font de plus en plus pressants alors que les sources traditionnelles d’appui au développement tarissent. Les problématiques de la réduction de la pauvreté et des inégalités, de la lutte contre la faim, d’une formation de qualité, de la stratégie de rétention des talents en Afrique, du financement de la résilience face au changement climatique sont autant d’énigmes auxquelles le continent reste confronté.
Dans le même temps, les conditions et les conditionnalités d’accès au financement concessionnels se durcissent dans un contexte de redéfinition de la carte géopolitique mondiale.
Pour adresser ces défis, il faut Hic et nunc que les pays africains mettent en place des institutions fortes et efficaces afin de mobiliser davantage de ressources intérieures. Ces institutions sont essentielles dans la conception et la mise en œuvre efficace de politiques optimales.
Jusqu’à date, la plupart des pays africains recourent aux sources traditionnelles de Mobilisation de ressources intérieures : Recettes fiscales et douanières, recettes non-fiscales locales, levée de fonds sur le marché financier local etc, mais il existe bien d’autres mécanismes qui permettent de lever des fonds pour soutenir les projets de développement. Dans cette note, nous parlerons plus spécifiquement des « obligations de la diaspora »
C’est quoi une « Obligation de la Diaspora » ?
Il s’agit d’un Instrument de dette émis par le gouvernement d’un pays d’origine pour lever des fonds de développement auprès de ses communautés de la diaspora (CEA). Elle constitue une alternative à l’emprunt et offre une nouvelle voie pour le financement du développement. Elle est basée sur l’engagement communautaire et permet donc de tirer parti des ressources financières de la diaspora pour le développement de la patrie.
A l’échelle africaine, en 2022, les transferts de la diaspora étaient estimés à plus de 53 milliards USD et cette diaspora étant fortement rattachée à son origine, elle serait sans doute disposée à investir dans des projets de développement clairement identifiés et sûrs. La diaspora africaine connaissant l’Afrique, a une bonne perception du risque en Afrique et pourrait être plus attirée par les taux d’intérêts comparativement à ceux des pays industrialisés où ils sont très bas. Par ailleurs, Elle [Obligation de la diaspora [1]] apparait comme une source de financement notable et plus stable pour les États africains.
Pourquoi la Guinée devrait mettre en place un tel mécanisme ?
En dépit de ses potentialités, la Guinée est un pays qui fait face à de nombreux défis de développement : pauvreté, insuffisance d’infrastructures de transports, sanitaires, scolaires et de loisir; manque d’autosuffisance alimentaire, accès à l’eau et à l’électricité etc. Selon l’OIM en 2018, la diaspora guinéenne était estimée entre 3 à 5 millions. Selon une étude réalisée par la BCRG en 2019, elle avait transféré plus de 108,1 millions de dollars vers la Guinée (même si près de 37% de ces transferts transitent par des canaux informels et donc ne sont pas tracés).
Dans cette diaspora, supposons que 2 millions soient actifs et que chacun souscrive à hauteur de 1 000 USD par an à une obligation de la diaspora en Guinée, le montant annuel estimé serait de 2 Milliards USD soit l’équivalent de 44% des dépenses projetées de l’Etat en LFR 2024.
Ces fonds levés auprès de la diaspora devraient permettre de combler le gap de financement des secteurs prioritaires tels que le capital humain (santé, éducation) … donc vecteur d’amélioration de la productivité…, l’agro-industrie, le digital, le transport et l’énergie.
Par ailleurs, ces fonds peuvent constituer une source considérable de devises étrangères pour la BCRG, ce qui peut favoriser la politique de change pour la stabilité du franc guinéen.
L’une des meilleures réussites dans l’émission des obligations de la diaspora est l’Ethiopie qui avait levé des fonds pour financer un projet d’électrification d’un montant de 4,8 Milliards USD. L’Inde et Israël sont également de bons exemples de réussites en la matière et très récemment le Premier Sénégal a souligné la volonté de l’Etat Sénégalais de mettre en place le “Patriot Bonds” pour lever des fonds auprès de la diaspora afin de financer certaines infrastructures.
Comment la Guinée pourrait s’y prendre?
Comme tout autre instrument financier, il revient à l’Etat, à travers les services du Ministère des Finances (Trésor Public et Direction Nationale de la Dette) de monter le produit en tenant compte des priorités sectorielles du gouvernement mais aussi de cadre idéal qui facilitera la souscription mais aussi la transparence autour des opérations. Par exemple, chaque année, l’Etat peut identifier une priorité sectorielle autour de laquelle, il souhaiterait un appui de la diaspora en souscrivant à ses obligations (construction de logements sociaux, hôpitaux, écoles etc.).
[1] Il ne s’agit pas d’un don mais un investissement qui à terme sera remboursé avec le taux d’intérêt.
Auteur: Gaston BEAVOGUI, Ingénieur Statisticien Economiste, Consultant, 610299533
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