Au cours des derniers mois, le président de la République a manifesté sa volonté de promouvoir le textile guinéen, encourageant ses ministres à porter ces créations et à les mettre à l’honneur lors des conseils des ministres. C’est une initiative louable, d’autant plus que l’ancien président Alpha Condé avait également fièrement arboré ces textiles locaux. Mais cela témoigne-t-il d’une véritable volonté politique de soutenir le contenu local ?
Indéniablement, c’est un début prometteur, mais il ne saurait à lui seul suffire. Le port de ces textiles locaux est un moyen d’inciter les Guinéens à suivre cette tendance. Si ce mouvement prend de l’ampleur, il pourrait renforcer le marché pour les entrepreneurs de la chaîne de valeur du textile guinéen. Cependant, sommes-nous prêts pour une telle expansion du marché ? Quelle est notre capacité de production, tant en termes de quantité que de qualité et de respect des délais ?
C’est là que réside le cœur des faiblesses de cette dynamique, que je rechigne à qualifier de politique de promotion du textile local, car elle n’en est pas encore une. Toute la chaîne de valeur du textile guinéen souffre de lacunes, malgré les images des ministres qui portent ces créations, diffusées partout. Des mesures urgentes et essentielles s’imposent pour que cette chaîne soit à la hauteur du grand marché que nos autorités cherchent à créer.
Les défis sont de taille, et les entrepreneurs, seuls, ne pourront les relever. Ils manquent de ressources financières, d’équipements, de compétences et de réseaux à tous les niveaux de la culture du coton, de la collecte et de la transformation en fibre, de la filature et du tissage, de la teinture et de l’impression, de la confection du tissu, du design et de la couture, du marketing et de la commercialisation, et bien plus encore.
Il est extrêmement décevant de constater que nos tisserands doivent encore s’approvisionner en fils de coton à des coûts exorbitants dans des pays voisins. Il est tout aussi décourageant de voir que, malgré des décennies d’héritage, nos tisserands n’ont pas réussi à mécaniser leurs équipements de tissage.
Des compétences existent dans les écoles de formation professionnelle, les structures telles que le centre pilote du ministère de l’industrie et les départements comme le ministère de l’enseignement, de la recherche et de l’innovation. Cependant, il manque une cohérence et des objectifs clairs pour soutenir le textile guinéen. Quelles actions entreprend le ministère de la culture, du tourisme et de l’artisanat pour fédérer ces atouts en vue de promouvoir l’innovation et de soutenir les artisans ? Comment ce ministère peut-il s’approprier la dynamique initiée par le président et la faire rayonner auprès de tous les acteurs de la chaîne de valeur ?
Tout se joue à ce niveau, et il est crucial d’éviter de vendre la peau de l’ours avant de l’avoir abattu. Je reste persuadé que c’est possible et que nous y parviendrons !
Par Alpha Mamoudou Danda Diallo
Expert de l’accompagnement des entrepreneurs