Dr. Édouard Zotomou critique sévèrement le bilan des trois ans de la junte : « La Guinée face à la gabegie et au manque de réformes véritables »

Dans une interview exclusive accordée à notre rédaction, Dr. Édouard Zotomou, président de l’Union Démocratique pour le Renouveau et le Progrès (UDRP) et vice-président de l’Alliance Nationale pour l’Alternance Démocratique (ANAD), a dressé un constat sans concession des trois années de gestion du Comité National du Rassemblement pour le Développement (CNRD). Selon lui, la transition dirigée par la junte militaire depuis le 5 septembre 2021 a échoué à atteindre ses objectifs principaux, notamment le retour à l’ordre constitutionnel et la lutte contre la corruption.

Dès le début de son entretien, Dr. Zotomou n’a pas mâché ses mots, dénonçant la situation socio-politique dégradée de la Guinée. <<À la prise du pouvoir, le CNRD s’était engagé à corriger les dérives du régime précédent : chasse aux sorcières, répression des libertés individuelles, emprisonnements arbitraires, et gabegie financière. Trois ans plus tard, non seulement ces promesses n’ont pas été tenues, mais la situation s’est aggravée>>, a-t-il déclaré.

Il a ensuite abordé la question des libertés fondamentales, critiquant la marginalisation de l’expression politique et la répression des médias. <<L’expression politique est étouffée, et la presse, autrefois un contre-pouvoir, est désormais muselée. Si les médias avaient joué pleinement leur rôle, nous aurions eu accès à bien plus d’informations sur les agissements du CNRD.>>

En termes économiques, Dr. Zotomou déplore une mauvaise gestion des ressources du pays. <<La Guinée est un pays riche en ressources, mais celles-ci sont dilapidées sans que personne ne soit tenu pour responsable. Je mets quiconque au défi de permettre un audit de la gestion du CNRD, ne serait-ce que pour une seule année>>, a-t-il lancé, pointant du doigt une gestion marquée par la gabegie et les détournements de fonds.

Sur le plan des infrastructures, il s’est montré tout aussi critique, notamment en ce qui concerne l’état des routes, soulignant l’absence de progrès concret. <<Il est absurde de se vanter d’avoir construit des routes alors que l’état du réseau routier, notamment entre Kindia et Conakry, est désastreux. À l’intérieur du pays, les routes sont impraticables, obligeant les citoyens à faire de longs détours. Tout ce qui est accompli aujourd’hui était déjà en cours avant la prise du pouvoir>>, a-t-il ajouté, insistant sur le fait que la junte ne pouvait pas s’attribuer le mérite de projets amorcés bien avant leur arrivée.

Le volet sécuritaire n’a pas été épargné par le leader de l’UDRP. Selon lui, la situation sécuritaire s’est détériorée depuis l’arrivée du CNRD au pouvoir. <<Les citoyens vivent aujourd’hui dans une insécurité permanente. Des innocents sont abattus en pleine rue sans raison, et les violences lors des manifestations, qu’elles soient politiques ou non, sont insoutenables. Comment parler de sécurité dans un contexte où les meurtres et les exactions deviennent monnaie courante, et où les images de citoyens abattus circulent sur les réseaux sociaux ?>>

Pour Dr. Zotomou, le plus grand échec du CNRD reste l’incapacité à restaurer l’ordre constitutionnel. <<La véritable mission d’une transition est de préparer le pays à un retour à la légalité constitutionnelle. C’est sur cet objectif que le CNRD devait concentrer ses efforts. Aujourd’hui, ce retour à l’ordre constitutionnel semble plus lointain que jamais, et cela représente le véritable problème de cette transition>>, a-t-il martelé.

En conclusion, Dr. Zotomou a appelé les autorités à davantage de transparence et de responsabilité. Il a dénoncé une « psychose » au sein de la population, empêchant les citoyens d’accepter la réalité et d’exiger des comptes. <<Même ceux qui sont au pouvoir ne disent pas la vérité au peuple>>, a-t-il déploré. Il a insisté sur la nécessité d’un audit de la gestion du CNRD pour faire la lumière sur les allégations de mauvaise gestion et de détournements, et a exhorté les médias à jouer pleinement leur rôle de contre-pouvoir.

Avec des critiques acerbes sur tous les fronts – social, politique, économique, sécuritaire, et institutionnel – le message de Dr. Édouard Zotomou est clair : la transition menée par le CNRD n’a pas rempli les promesses faites au peuple guinéen. À l’heure où la Guinée s’enfonce davantage dans la crise, les appels à un changement de cap se multiplient.

Mountaga Pandiara Diallo pour Planete7.info