Des promesses à la trahison : le cycle de l’hypocrisie morale du CNRD sous Mamadi Doumbouya (Par Abdourahmane Diallo)

Lorsque Mamadi Doumbouya et le Comité National du Rassemblement pour le Développement (CNRD) ont pris le pouvoir en Guinée en septembre 2021, ils ont promis des réformes profondes. Avec des déclarations audacieuses pour rétablir la justice, éradiquer la corruption et ramener la Guinée à un régime constitutionnel, la junte a d’abord bénéficié d’un large soutien, tant national qu’international. C’était un souffle d’espoir dans un pays miné par des décennies d’autoritarisme et de corruption.

Cependant, ces promesses morales ont rapidement laissé place à une réalité faite de violence, de répression, de censure et d’hypocrisie morale. Alors que Doumbouya proclamait que la justice serait « la boussole » de la nation, ses actions trahissent une tout autre conception de la morale. Comme tant d’autres avant lui, son ascension au pouvoir révèle l’écart saisissant entre des idéaux élevés et les réalités brutales de la survie politique.

Un des signes les plus flagrants de cette hypocrisie est la fermeture des médias indépendants et la censure des journalistes en Guinée. En limitant la liberté de la presse, Doumbouya a étouffé une des bases mêmes de la démocratie qu’il avait juré de rétablir. De nombreux journalistes indépendants, qui osent critiquer le régime, sont intimidés, persécutés ou réduits au silence. Cela est d’autant plus ironique que le colonel s’était engagé à protéger les libertés fondamentales, y compris celle d’informer. La presse, autrefois libre, est désormais contrôlée, et toute voix critique est systématiquement réduite au silence.

Ce qui est tout aussi alarmant, c’est le rôle des complices silencieux—cadres, anciens activistes et journalistes—qui soutiennent la répression du CNRD. Ceux qui s’opposaient autrefois au troisième mandat d’Alpha Condé sont aujourd’hui devenus ministres, directeurs, conseillers et membres du CNT. Leur passage de défenseurs de la démocratie à complices des abus du régime témoigne de l’hypocrisie morale qui gangrène la classe politique guinéenne. Même des journalistes, autrefois champions de la liberté d’expression, aident désormais à museler la presse indépendante, assurant que seul le récit du régime soit diffusé.

L’un des exemples les plus flagrants de cette hypocrisie est le mépris du régime pour la justice qu’il avait promise de défendre. L’assassinat du général Sadiba Koulibaly, orchestré parce qu’il menaçait le pouvoir de Doumbouya, en est la preuve. Ces actions contredisent les promesses initiales de transparence et d’équité. En recourant à la violence et à la peur, le régime de Doumbouya perpétue les abus qu’il prétendait éradiquer.

Les disparitions de militants tels que Foniké Mengué et Billo Bah illustrent également l’écart grandissant entre la rhétorique du régime et ses actes, Ces figures de la société civile, qui défendaient la démocratie et s’opposaient au régime, ont disparu soudainement, laissant un vide dans la société guinéenne. Sous Doumbouya, ces voix dissidentes ont été réduites au silence, tandis que le régime continue de se présenter comme un défenseur de la justice.

Pendant que son régime persécute la presse et la société civile, Doumbouya orchestre également des procès contre des figures du système précédent, les accusant de corruption et de crimes graves. Pourtant, les mêmes pratiques qu’il condamne sont de plus en plus visibles sous son propre régime. Les proches de Doumbouya s’enrichissent dans l’ombre, et la corruption n’a pas diminué, mais au contraire, elle s’est étendue à la sphère militaire et politique actuelle. Accuser les anciens dirigeants de ces crimes tout en perpétuant les mêmes abus, voire pire, n’est rien d’autre que de l’hypocrisie morale pure.

En vérité, l’administration de Doumbouya est devenue une étude de cas en hypocrisie morale. Selon Emmanuel Kant, « l’hypocrisie morale est la tentative de donner une apparence de vertu à quelque chose de contraire à la vertu elle-même. » En utilisant la justice pour éliminer des rivaux tout en violant les principes mêmes qu’il prône, Doumbouya ne fait que confirmer cette définition. À mesure que le pouvoir se concentre entre les mains de quelques-uns, la justice devient un instrument pour éliminer les adversaires politiques, plutôt qu’un principe directeur pour la nation. « La boussole semble s’être brisée, » note un critique, « puisque le navire de la justice s’est aujourd’hui échoué loin de nos côtes »

Cette duplicité s’étend également à la lutte contre la corruption. Alors que le CNRD dénonçait publiquement la corruption des régimes précédents, il permet à certains de ses propres membres de s’enrichir. Des hauts responsables proches de Doumbouya auraient profité de leur position, sapant ainsi l’agenda anti-corruption sur lequel le régime s’était fondé. Accuser les autres de corruption tout en profitant du même système corrompu est un acte qui démontre une hypocrisie morale extrême.

Plus alarmant encore est le soutien d’anciens activistes aux efforts de Doumbouya pour prolonger la transition au-delà de l’échéance convenue de décembre 2024. Ces individus, qui défendaient autrefois les limites constitutionnelles et l’équité électorale, sont maintenant des partisans déclarés du prolongement du pouvoir de la junte. Leur changement de position met en lumière la profonde déchéance morale de l’élite politique guinéenne.

John Stuart Mill avait averti que l’hypocrisie morale des dirigeants ne détruit pas seulement la confiance individuelle, mais érode aussi la structure morale de la société. Cette réflexion est particulièrement pertinente en Guinée, où les leaders ont souvent utilisé les idéaux démocratiques pour accéder ou reprendre le pouvoir, avant d’abandonner ces valeurs une fois leur autorité consolidée. Au lieu de servir le bien public, le pouvoir devient un outil pour satisfaire des ambitions personnelles.

Ce qui choque le plus, c’est l’obsession de Doumbouya pour le pouvoir, trahissant sa promesse de mener une transition pacifique et de se retirer après avoir rétabli l’ordre constitutionnel. Son serment sur le Coran, affirmant qu’il quitterait le pouvoir, n’a visiblement aucune valeur. Ses actes récents montrent clairement sa volonté de prolonger son règne, malgré ses engagements devant le peuple guinéen et la communauté internationale. En fin de compte, ses paroles sont vides et trompeuses.

Le comportement du régime est un exemple classique d’hypocrisie morale, où les dirigeants se parent du langage des réformes tout en perpétuant les abus qu’ils avaient autrefois condamnés. Un autre penseur, Alfred le Grand, avait prévenu : « Le pouvoir n’est jamais un bien si celui qui le possède n’est pas homme de bien. » Les actions du CNRD montrent à quel point le pouvoir, sans vertu, peut devenir destructeur.

Comme l’a déclaré un critique guinéen : « Mamadi Doumbouya est l’homme qui fait le contraire de ce qu’il dit » Cette hypocrisie n’est pas seulement un échec de leadership ; c’est une faillite morale profonde, une trahison de la confiance que le peuple guinéen avait placée en lui.

L’histoire le jugera, non pas sur ses paroles, mais sur les actes qui ont suivi.

 

Abdourahmane Diallo

Scholar guinéen-américain

Spécialisé en géopolitique et en conception de scénarios macroéconomiques

 

 

 

 

 

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