Il ya quelques mois, en route pour mon village Balimana (à Kankan), j’ai été chaleureusement accueilli par les DONZO de HAMANA (Kouroussa) qui m’ont fait membre d’honneur de leur confrérie.
Avec ces chasseurs traditionnels, j’ai pu brièvement assouvir quelques pans de ma curiosité sur le Djandjon. Cette danse mystique, qui m’a toujours fasciné et qui est attribuée à tort ou à raison à mon ancêtre maternel Fakoly Doumbouya…
Qu’est ce que le Djandjon ?
Le Djandjon est un hymne à la gloire, au courage, à l’audace et à l’immortalité des héros sur le champ de bataille.
En 1235 après la bataille de Kirina et dans la ferveur de la victoire sur Soumaoro Kanté, tous les généraux mandingues se réuniront autour de l’empereur Soundiata pour tirer les leçons et projeter ce qui allait être la « charte de Kouroukanfouga », la première constitution du Mandingue (l’une des plus anciennes au monde).
C’est à cette occasion solennelle, que Fakoli pour la première fois fut autorisé exclusivement à danser le Djandjon sous le regard admiratif des autres généraux de l’armée mandingue, des courtisans et de tout le peuple de Soundiata Kéita.
Depuis lors, la tradition du Djandjon fut rattachée à la lignée de Fakoly qui se la dispute pourtant avec celle d’un général rival, Kamadjan Camara, illustre descendant de Niani Mansa Kara, patriarche établi de longues dates autour des montagnes de Sibi et de Tabou.
Pourtant la vérité historique se trouve ailleurs… Le Djandjon ne date pas du 13e siècle et ne saurait en aucun cas être l’hymne exclusif de Fakoli Doumbouya malgré son rôle décisif dans la bataille de Kirina et dans la défaite de son oncle Soumaoro Kanté.
Le Djandjon remonte très loin dans les temps immémoriaux, depuis le royaume de Ouagadou sous la dynastie des Camara (les premiers gouvernants de cette région jadis prospère). Le Djandjon y était célébré comme un rite animiste dédié à un aigle royal (appelé Koli) qui selon la tradition, avait une tête énorme et un bec largement fendu (koli kumba ani koli daaba).
Ce grand rapace était le totem des 5 familles Boula (Dansoko, Kamissoko, Bayo, Danwo et Doumbouya). La famille Doumbouya elle même se composait de deux branches : Cissoko et Kourouma.
Ce rite perdura jusqu’à l’arrivée des Soninkés sous la conduite des Cissé et des Diané qui s’empareront du pouvoir, conduiront l’empire du Ghana à son apogée, puis à son declin sous les incursions almoravides en 1077.
Dès lors, si Fakoli Doumbouya qui venait d’établir la capitale de son royaume à Dakadiala, avait raison de réclamer le Djandjon comme héritage de ses ancêtres Boula de Ouagadou, il serait par contre fallacieux de lui attribuer la paternité exclusive de cet hymne d’honneur. Les Camara, premiers monarques connus de Ouagadou n’ont-ils pas aussi droit à une certaine reconnaissance sur cet hymne séculaire ?
D’ailleurs, la tradition des griots de Kela et de Niagassola, pour montrer l’antériorité du Djandjon sur Fakoly Doumbouya, reconnaît qu’un illustre aïeul de Fakoli s’était illustré bien avant lui, dans la danse du Djandjon. Il s’agit de Djigui Koroma dit « Makataga-Djigui » pour son pèlerinage mémorable à la Mecque, d’où il ramènera 313 têtes de fétiches de la Kaaba, qui constitueront l’héritage magique du roi-sorcier Fakoli !!!
Quelle que soit la vérité, le Djandjon appartient aujourd’hui au patrimoine culturel mandingue, guinéen et africain.
Plusieurs artistes de renom, de Kouyaté Sori Kandia à Salif Keita, l’ont interprété en gardant toujours sa gravité et sa solennité.
Ces refrains féeriques et endiablés, ont traversé les âges jusqu’à nos jours :
…Djandjon dòn kèlou baniné, Djandjonba dòn kèlou banna…
Ni amagna sayakö mönèbö dén néko !
(Les danseurs de Djandjon ne sont plus, oui les danseurs du grand djandjon ne sont plus de ce monde… Pourtant, si la mort est implaccable tâchons d’être donc des enfants prodiges…)
Qu’elle est belle notre culture !!!
Bon samedi à tous !
Une petite causerie d’un passionné de culture africaine, Siaka Barry.