Il y a près de 298 ans avant aujourd’hui, sous le leadership de Karamoko Alpha Mo Timbo, de son vrai nom, Ibrahima Sory Sambegou Barry, l’historique Imamat du Fouta Djallon se dressa aux pieds du massif du Fouta Djallon.
Né d’un accord entre les chefs de trois (3) diiwé (provinces) : Timbo, Timbi et Labé, l’empire qui comptera neuf (9) au total jusqu’à son déclin : Koin, Kolladé, Fougoumba, Bhouria, Kebaly et Fodé Hadj; instaura un État avec un régime de type théocratique dirigé par la confrérie des marabouts et avec pour vocation la diffusion de l’islam dans la contrée.
Confié au clan du père fondateur, les séydiankés de Timbo, l’exercice du pouvoir politique se faisait alors ad vitam aeternam. Cependant, 57 ans plus tard, un conflit éclata, au lendemain de la disparition du 2ème Almamy, sur le sujet de sa succession. L’accord trouvé instaura une alternance au pouvoir à tour de rôle entre les protagonistes, les familles Alfaya (descendants du fondateur de l’empire) et Soriya (descendants de son successeur). Mais plus tard, la crise née de l’avènement au pouvoir de Bocar Biro Barry, quatorzième et dernier Almamy, a fait voler en éclats cette règle successorale non écrite.
Puis, l’apogée de la conquête coloniale, passant par-là, près de 127 ans après sa fondation, le premier empire ouest africain d’obédience islamique sonna son glas.
Aujourd’hui, près de trois siècles plus tard, la regrettable occasion du décès d’El Hadj Ousmane Fatako Baldé dit « sans loi », président de la Coordination Nationale des Foulbé et Haalipoular de Guinée (CNFHG) ouvrant la voie à sa succession disputée par deux camps « belligérants », consacre malheureusement le bis repetita ou la répétition de l’histoire de la crise de dévolution du pouvoir dans le Fouta Djallon.
Tout comme, ce qu’on peut considérer aujourd’hui, dans une certaine mesure, sa préceptrice, l’Imamat du Fouta Djallon, la Coordination Nationale des Foulbé et Haalipoular de Guinée a instauré en son sein, la règle de la présidence tournante de l’institution en faveur de représentants issus des diiwé de Timbo, Timbi et Labé.
A ce titre, la dévolution du pouvoir au sein de l’organisation communautaire devrait se faire, pour l’occasion, en faveur de la province de Labé, notamment en la personne d’El Hadj Ibrahima Diallo dit Onathole qui plus, en est le vice-président. Ce qui n’est pas d’ailleurs contesté par l’autre camp dans la crise.
Dès lors, la désignation d’El Hadj Alseny Dalaba Barry dans les conditions qu’on connaît, comme président intérimaire au détriment du « dauphin constitutionnel » désigné, de toute évidence, constitue une entorse sérieuse à l’accord de constitution de l’organisation érigé par les pères fondateurs.
Il n’est pas exclu que des considérations autres que celles prévues par l’esprit et la lettre des textes de l’organisation aient prévalues, dans la désignation d’El Hadj Alseny Barry chez ses promoteurs qui se défendraient d’avoir fait le choix du charisme et l’espoir de plus d’efficacité, dans cette course disputée à la présidence de l’institution.
Toujours est-il que, contrairement à celle de ses deux prédécesseurs, l’expérience du passage de feu Ousmane Fatako Baldé a fait atteindre à l’organisation des dimensions sociales, politiques, économiques, morales et diplomatiques inédites qui aiguiseraient davantage aujourd’hui, les appétits des uns et des autres, notamment d’hommes d’affaires puissants. Toute chose qui explique l’origine de la crise.
Ainsi, dans l’hypothèse où la désignation d’El Hadj Alseny Barry se confirmerait, du règne de la classe des marabouts, dans l’ancien Imamat où récemment de celui des sages, on est en passe de basculer dans le règne des hommes d’affaires, des riches au sein de ladite coordination, consacrant ainsi, une mutation de la théocratie à la gérontocratie puis à l’oligarchie.
En attendant la fin de l’histoire, la guerre des clans est déclarée au sommet de l’entité, un bicéphalisme de fait s’est invité dans la danse et, la crainte que la crise ait raison de l’organisation ou du moins de son efficacité dans l’atteinte de ses objectifs fondateurs est à jamais réelle.
Dans tous les cas, au travers de ce processus, l’histoire semble tenir à enseigner, à nouveau, une leçon. Le pouvoir, notamment sa dévolution, est toujours matière complexe et conflictogène. Dans toutes ses manifestations, celui-là éprouve mêmes les plus grandes vertus, les esprits les plus brillants au monde et souvent dans des sphères qu’on croirait au-dessus de tout soupçon.
En ayant présent à l’esprit, le triste souvenir de l’affaire Bocar Biro Barry et en pariant sur la sagesse des uns et des autres, il est à espérer que la crise qui se répète ne prenne pas des proportions plus inquiétantes encore pour avoir raison de l’unité des composantes sociales de l’organisation, de l’unité et de la concorde nationales, tout simplement.
Bangaly Keita