Chicha en Guinée : L’illusion d’un plaisir, la réalité d’un poison

En Guinée, la consommation de la chicha s’est imposée comme une véritable tendance chez les jeunes, au point de devenir un phénomène préoccupant. Bars, lounges et autres espaces de détente de la capitale en sont envahis, illustrant une popularité grandissante qui inquiète autant les autorités sanitaires que les acteurs sociaux. Malgré la prise de conscience progressive des dangers liés à cette pratique, beaucoup de jeunes peinent à s’en détacher, souvent sous l’effet de pressions sociales ou de difficultés personnelles.

Derrière l’apparente légèreté de cette mode, se cache une dépendance insidieuse. De nombreux jeunes, comme ce consommateur ayant requis l’anonymat, l’associent à une échappatoire face à leurs échecs et tourments. « J’ai commencé après mon échec au baccalauréat. J’étais démoralisé et aujourd’hui, c’est devenu une habitude. Je sais que c’est nocif, je ressens déjà des effets sur mes poumons, mais j’ai du mal à arrêter », confie-t-il.

Pour certains, une interdiction étatique pourrait être un levier de dissuasion. « Si l’État interdit la chicha, ça me perturbera peut-être quelques mois, mais je finirai par m’en passer », admet notre interlocuteur, illustrant la contradiction entre la lucidité face aux risques et la difficulté à rompre avec cette habitude.

D’autres jeunes voient dans la chicha un simple phénomène de mode, une façon de s’intégrer socialement. « On fume entre amis, c’est un moment de détente. Même si l’État interdit sa consommation dans les lieux publics, cela ne nous empêchera pas d’en consommer en privé », soutient un autre adepte, pointant ainsi les limites potentielles d’une réglementation.

Au-delà de l’impact sanitaire, l’essor de la chicha a engendré une véritable économie souterraine, mobilisant de nombreux jeunes qui en tirent des revenus substantiels. « Avec un investissement de 2.000.000 GNF, on peut se lancer dans la vente et rentabiliser rapidement. Interdire ce commerce reviendrait à priver des centaines de jeunes de leur source de subsistance », explique un revendeur.

Les lounges et bars spécialisés en chicha prospèrent grâce à cette demande croissante, et leur fermeture pourrait entraîner une vague de chômage. Cette dimension économique pose un dilemme aux autorités : comment réguler sans fragiliser davantage un secteur informel déjà précaire ?

Souvent perçue comme moins nocive que la cigarette, la chicha est pourtant tout aussi dangereuse, voire plus. Dr Bah Mamadou Saïdou, médecin généraliste, met en garde : « Contrairement aux idées reçues, la chicha est un danger majeur pour la santé. Elle contient une quantité de nicotine bien supérieure à celle d’une cigarette classique et expose à des pathologies graves : cancers des lèvres, des voies urinaires, maladies respiratoires chroniques… »

Il alerte sur les conséquences dramatiques d’une consommation prolongée : « Voir autant de jeunes fumer de la chicha est alarmant. Une interdiction pourrait réduire l’incidence des maladies respiratoires et éviter à de nombreux jeunes de se retrouver dans des situations médicales irréversibles. »

Face à l’ampleur du phénomène, une simple interdiction législative ne saurait suffire. Dr Bah plaide pour une vaste campagne de sensibilisation, visant à informer les jeunes sur les dangers réels de la chicha. « Il est crucial d’éduquer les jeunes à travers les médias, les écoles et des campagnes de communication percutantes. La prévention reste la meilleure arme pour endiguer cette habitude destructrice. »

L’État, les structures de santé et les acteurs sociaux sont ainsi appelés à unir leurs efforts pour contrer ce fléau grandissant. Au-delà des interdictions, il s’agit d’instaurer une véritable prise de conscience collective et de proposer aux jeunes des alternatives saines pour gérer leur stress et leurs émotions.

L’enjeu est de taille : enrayer la banalisation de la chicha avant qu’elle ne devienne un problème de santé publique irréversible.

 

Hawa Mohamed Soumah pour Planete7.info 

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