Le président du parti Union des Démocrates pour la Renaissance de la Guinée (UDRG) s’est prononcé ce dimanche, 06 septembre 2020, sur le déroulement du processus électoral en cours en Guinée.Dans ses explications, Bah Oury propose une transition démocratique pour restaurer la stabilité aussi bien en Guinée qu’au niveau de la sous-région.
Dans cet entretien qu’il a accordé à notre rédaction, l’opposant est revenu aussi sur l’avenir du combat du FNDC après la décision de certains partis politiques membres de la plateforme de participer à la présidentielle du 18 octobre prochain.
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Planète7com : Le président Alpha Condé a finalement déposé son dossier de candidature à l’élection présidentielle du 18 octobre. Quelle est votre réaction ?
Bah Oury: Cela ne nous surprend pas. Pratiquement tout ce qui a été fait ces deux dernières années, c’était pour permettre que sa candidature puisse être possible, au détriment des fondamentaux d’un état de droit en Guinée. D’abord il a fallu violer les dispositions d’intangibilité de la constitution qui a été acquise au prix du sang de beaucoup de nos compatriotes. Et par la suite, vous avez vu avec quelle hargne, quelle violence et quelle agressivité des forces de l’ordre ont été engagées pour réprimer toute attitude contraire aux vœux du pouvoir en place. On a dénombré plus d’une centaine de morts. Le 22 mars il y a eu le référendum qui a mis en sellette la possibilité d’une nouvelle constitution pour repartir entre guillemets avec le compteur à zéro pour dire qu’on rentre maintenant dans une nouvelle République. Mais tout cela n’est que pour aboutir à la candidature pour un troisième mandat.
Pour vous, quelle conséquence cette candidature d’Alpha Condé peut engendrer dans le processus démocratique de la Guinée ?
Le processus démocratique est totalement dans l’impasse. Des dispositions d’intangibilité qui ont été mis en force par une assemblée dûment mandatée et légitimée. Déjà vous avez les fondamentaux des institutions de la République qui sont affaissés. Ni la Cour constitutionnelle, ni la CENI, ni la constitution parce que nous n’en n’avons pas. Donc nous sommes dans un état qui est hors loi de ce point de vue. Vous avez une affection pour le pouvoir parce que les gens protestent pour des promesses non tenues même dans le fief du pouvoir, il y a aussi des démissions des personnages illustres comme le doyen Sékou Savané de Siguiri. Sur le plan diplomatique vous avez l’isolement du pays. Ce qui est encore plus grave, c’est la question sécuritaire.
Après l’annonce de cette candidature, le FNDC menace de redescendre dans la rue pour manifester contre le maintien d’Alpha Condé au pouvoir. À quoi peut-on s’attendre les prochains jours ?
Moi je vais être clair. On ne va plus engager tête baissée dans une lutte, dans ce contexte sans qu’il y ait une réelle clarification et réelle prise en compte des réalités politiques, des rapports de force interne et l’indispensable nécessité d’en finir avec la confusion. Le peuple guinéen ne veut plus être dupé, il veut voir les choses de manière claire, parce ce qui est en jeu c’est la confiance que la population à l’égard de la classe politique. Ceux qui ont opté pour une participation à l’élection sous prétexte que la politique de la chaise vide n’est pas une solution, mais qui en réalité vont accompagner et faire valider ce que le pouvoir est en train de faire. Nous autres, nous avons besoin de faire renaître le pacte social et le pacte de confiance qui doit exister nécessairement entre le peuple dans sa majorité et une classe politique beaucoup plus respectueuses.
Vous estimez également qu’être membre du FNDC et avoir la volonté de participer à la présidentielle prochaine serait une trahison. Expliquez-nous ?
Oui ! Il faut faire preuve de cohérence dans ce que nous faisons. Il faut faire preuve de cohérence dans le combat politique. On ne peut pas dire qu’on est un général, on envoie des troupes pour combattre un système, et avant même la fin de ce combat on pactise avec l’adversaire pour l’accompagner dans la consolidation de la chose pour laquelle on était en train de se battre. Ce n’est pas du tout compréhensible. Je pense que valablement, humainement, on ne peut pas rester à la tête des cortèges pendant des années, voir des enfants mourir alors que la cause qu’on défend on a été le porte-parole de cette cause, et demain changer de direction et dire qu’on veut aller pour dire qu’on veut combattre M. Alpha Condé dans une élection qui d’ores et déjà ficelée de bout en bout par le pouvoir.
Des acteurs politiques aussi souhaitent que la CENI reporte la date du 18 octobre pour permettre à tout, le monde d’être dans le processus pour une élection inclusive. Quel est votre avis ?
Tout ça, ce sont des faux-fuyants. Ce qui est essentiel, c’est le manque de clarté de la CENI. Vous ne pouvez pas refaire un fichier électoral en quelques jours. Vous ne pouvez pas remettre en force une constitution qui n’existe pas à l’heure actuelle. Parce que quand je dis que la Guinée est dans un vide constitutionnel, c’est parce que le texte qui a été publié au journal officiel de la République, n’a rien à avoir avec le texte qui a été proposé pour le référendum du 22 mars. Donc de facto, le texte que la Cour constitutionnelle a validé n’a jamais fait l’objet d’approbation par la population guinéenne si minoritaire qu’elle soit. Donc nous sommes dans le cadre d’un vide juridique. Nous avons un fichier électoral totalement corrompu, vous ne pouvez remettre tout cela en cause et dire que vous voulez gagner du temps pour aménager un certain nombre de choses. La Guinée a besoin d’une réelle transition politique qui permettra de remettre le pays sur les rails. Une transition digne de nom ne peut se faire que dans une période qui pourrait prendre pratiquement un an pour remettre les choses en force et pour relancer la Guinée sur des bases solides, sur des bases démocratiques capables de restaurer la stabilité aussi bien de la Guinée que de la sous-région.
Entretien réalisé par ADD