CAF : arbitre ou acteur de l’injustice ? (Par Sékou Koutoubou Kaba)

L’actualité du football africain est marquée par une affaire pour le moins troublante, et, malheureusement, symptomatique des erreurs d’une institution censée incarner l’équité sportive. La Fédération Guinéenne de Football, empêtrée dans une bataille administrative avec la Confédération Africaine de Football (CAF), réclame inlassablement les motifs d’une décision disciplinaire rejetant sa requête contre la Tanzanie. Mais au-delà de cet affrontement purement procédural, c’est l’intégrité de la CAF qui est mise à nu.

Depuis le 19 novembre 2024, date du fameux match entre la Tanzanie et la Guinée, une question cruciale est sur toutes les lèvres : la CAF joue-t-elle encore son rôle d’arbitre impartial, ou s’est-elle définitivement muée en une machine à géométrie variable ?

Un silence assourdissant

La CAF a rendu une décision. Mais, curieusement, cette dernière est demeure sans aucune explication. Pas de motivations, pas de transparence. Rien. Pourtant, dans d’autres litiges similaires, on pense à l’élimination du Congo lors du CHAN au profit de la Guinée Équatoriale, l’instance n’a pas manqué de communiquer, parfois avec une précision chirurgicale. Pourquoi cette différence de traitement ?

Le silence de la CAF n’est pas seulement une atteinte aux droits procéduraux de la Guinée, il est aussi une insulte à l’intelligence des acteurs du football africain. Car ce mutisme, cette lenteur administrative volontaire ou non, empêche la Guinée de saisir la Commission d’Appel ou, si nécessaire, le Tribunal Arbitral du Sport.

Et ce n’est pas faute d’avoir relancé. Le secrétaire général de la Fédération Guinéenne de Football, Ibrahima Blasco Barry, a écrit non pas une, mais deux lettres pour réclamer ces fameuses motivations. À chaque fois, la même réponse évasive : « Vous les recevez en temps utile. » Mais quel temps ? Et surtout, quel outil de mesure la CAF utilise-t-elle pour qualifier ce temps comme « utile » ?

Des règles bafouées, un football discrédité

La Fédération Guinéenne de Football fonde sa plainte sur une violation claire des règles : un joueur tanzanien aurait joué avec un numéro de maillot différent de celui sous lequel il était enregistré. Une infraction à l’article 47 du règlement de la CAF. Une infraction grave, car elle touche à la crédibilité même du jeu.

Mais voilà, la CAF, au lieu de faire respecter les textes qu’elle a elle-même rédigés, a choisi le chemin de l’opacité. En rejetant la plainte guinéenne sans fournir de justification, elle s’est placée au-dessus des règles. Ou plutôt, elle a montré qu’elle les applique à sa guise, selon les cas, selon les intérêts. Et si l’on suit cette logique, que devons-nous comprendre ? Qu’il est désormais acceptable de s’enregistrer avec un numéro et de jouer avec un autre ? Ou que certaines équipes peuvent contourner les règles quand d’autres sont systématiquement sanctionnées ?

Un mal système : l’ombre du favoritisme

Cette affaire n’est pas un simple dysfonctionnement administratif. Elle est le symptôme d’un mal plus profond : l’absence de leadership fort et impartial à la tête de la CAF. À force de décisions incohérentes, l’institution s’est elle-même décrédibilisée.

En décidant d’ignorer les appels légitimes de la Guinée, elle donne l’impression peut-être erronée, mais ô combien tenace, qu’elle agit sous influence. Influence de certaines fédérations ? Pressions politiques ? Volonté de ménager des puissances sportives ou économiques ? Les hypothèses fusent, et chacune entame un peu plus la confiance des acteurs et des supporters.

La Guinée, symbole d’une lutte pour l’équité

Dans ce combat, la Guinée ne demande pas de faveur. Elle ne demande pas de passe-droit. Elle exige simplement que les règles soient respectées et appliquées de manière uniforme. Une exigence légitime, mais qui, visiblement, dérange. Car, en se battant avec acharnement, la Guinée expose au grand jour les failles d’un système qui se targue d’être impartial tout en multipliant les zones d’ombre. Elle met à nu une institution qui, au lieu de garantir l’intégrité du football africain, semble parfois se pince aux aléas du moment.

Et maintenant ?

La CAF est à un tournant. En refusant de communiquer les motifs de sa décision, elle ne compromet pas seulement l’avenir sportif de la Guinée. Elle envoie un signal voix désastreux à toutes les fédérations africaines : dans ce système, certaines comptent plus que d’autres. Mais le football, ce sport qui unit des millions de personnes sur le continent, mérite mieux. Il mérite une gouvernance transparente, des règles claires et, surtout, une application rigoureuse de ces règles.

Il appartient désormais à Dr Patrice Motsepe de redresser la barre. De répondre, enfin, à la Guinée. Non pas par des promesses vagues ou des courriers standards, mais par des actes concrets. Car au bout du compte, ce n’est pas seulement la Guinée qui se bat dans cette affaire. C’est tout le football africain qui lutte pour sa crédibilité. Et si la CAF persiste dans son inertie, elle finira par trahir l’essence même de sa mission : protéger l’intégrité du jeu et l’équité entre ses acteurs.

 

Sékou Koutoubou Kaba

Journaliste sportif guinéen

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