Bipartisme en Guinée : une solution ou un piège démocratique ?

Alors que la Guinée traverse une période de transition, l’organisation de son paysage politique est de nouveau au cœur des débats. Certains prônent l’instauration d’un bipartisme, voire d’un système à trois partis, en s’inspirant du modèle américain où démocrates et républicains dominent la scène politique. Mais cette comparaison tient-elle réellement la route ? Le bipartisme est-il une règle aux États-Unis ? Et surtout, peut-on imposer un tel système en Guinée ?

Contrairement aux idées reçues, les États-Unis ne sont pas officiellement un pays bipartite. Aucune loi n’interdit l’émergence d’autres partis. Pourtant, des formations comme le Parti libertarien, le Parti vert ou encore le Parti de la Constitution restent marginales et n’ont jamais réussi à s’imposer. Comment expliquer cette domination des deux grands partis ?

Le système électoral américain repose sur un scrutin majoritaire à un tour. Celui qui obtient le plus de voix l’emporte, ce qui pousse les électeurs à voter « utile » pour éviter de gaspiller leur vote sur un petit parti sans chance de victoire.

Les campagnes aux États-Unis nécessitent des budgets colossaux, favorisant les démocrates et les républicains qui disposent de puissants réseaux de donateurs et de lobbies. Depuis plus d’un siècle, le duel démocrates-républicains structure la vie politique américaine. Cet ancrage historique rend difficile l’émergence de nouveaux acteurs.

Un bipartisme en Guinée : une fausse bonne idée ?

L’idée de limiter le nombre de partis en Guinée soulève plusieurs problématiques fondamentales.

▪︎Le respect du pluralisme démocratique : La liberté d’association et la possibilité de créer un parti sont des droits fondamentaux en démocratie. Restreindre ce champ pourrait être perçu comme une dérive autoritaire.

▪︎L’histoire politique guinéenne : Depuis la fin du parti unique en 1991, la Guinée a vu émerger une multitude de formations politiques. Certains y voient un émiettement nuisible, d’autres une expression légitime du pluralisme. Une transition brusque vers un bipartisme risquerait d’exclure de nombreux acteurs et de susciter des tensions.

▪︎Un système électoral différent : contrairement aux États-Unis, la Guinée utilise un mode de scrutin mixte, qui permet une plus grande diversité politique. Imposer un bipartisme nécessiterait une réforme électorale majeure et une adhésion populaire loin d’être acquise.

●Construire un modèle guinéen

Le bipartisme américain s’est construit au fil du temps et repose sur des facteurs historiques et institutionnels. Il n’a jamais été imposé par décret. Il repose sur :

▪︎Une structuration claire des idéologies politiques entre progressisme et conservatisme.

▪︎Un système électoral qui favorise les grands partis.

▪︎Un pragmatisme des électeurs, qui votent davantage pour des personnalités et des programmes que pour des idéologies figées.

La Guinée ne peut pas simplement calquer ce modèle. Son paysage politique est plus fragmenté, et son histoire différente. Plutôt que d’imposer artificiellement un bipartisme, il serait plus pertinent de favoriser la consolidation des partis existants, en les encourageant à se structurer autour d’idéologies et de programmes solides. L’enjeu n’est pas de limiter le nombre de partis, mais de faire émerger naturellement des formations politiques fortes et représentatives des aspirations des citoyens.

 

Par Aboubacar SAKHO

Juriste-journaliste

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