Analyse critique de la récente tribune sur le projet Simandou : réponses et perspectives (Par Akoumba Diallo)

Dans une récente tribune, Monsieur le Directeur Général du Service National de Coordination des Projets Miniers s’est exprimé sur le projet Simandou, appelant à un débat ouvert avec ses contradicteurs éventuels. Prenant acte de cette invitation, je propose ma candidature à cet échange. Avant que ce débat ne prenne forme, il me semble nécessaire de partager une analyse préliminaire de son texte. Celui-ci présente plusieurs faiblesses argumentatives et de potentielles contre-vérités qui méritent un examen approfondi. Mon objectif est d’enrichir le débat en posant les questions nécessaires.

  1. Les mines comme vecteur systématique de développement

Énoncé :

« Aucun économiste ne pourra me convaincre que les mines ne développent pas un pays. »

Analyse :
Cette déclaration générale néglige les nuances et les spécificités contextuelles. Si les mines peuvent effectivement contribuer au développement, leur impact dépend de plusieurs facteurs cruciaux : la gestion des revenus, la gouvernance, l’inclusivité des bénéfices, ainsi que les impacts sociaux et environnementaux.

Des études montrent que, dans de nombreux pays riches en ressources naturelles, la « malédiction des ressources » se manifeste par une mauvaise gestion et une corruption accrue, freinant ainsi le développement.

  1. Comparaison entre pétrole et fer

Énoncé :

« 1 tonne de fer = 150 USD ; 1 baril de pétrole = 80 USD ; 1 milliard de tonnes de fer est plus que 7 milliards de barils de pétrole. »

Analyse :
Cette comparaison est trompeuse. La valeur brute des matières premières ne traduit pas leur rentabilité réelle. Le pétrole, par exemple, offre des marges bénéficiaires bien supérieures grâce à une demande constante, des applications variées (énergie, plastiques, etc.) et une logistique plus flexible.

De plus, exploiter et exporter du fer nécessite des infrastructures coûteuses (chemins de fer, ports, énergie), alourdissant ainsi les coûts de production.

Faiblesse :
Cette comparaison quantitative simpliste ne prend pas en compte les coûts de production, les fluctuations des prix mondiaux et les défis logistiques, qui rendent le fer moins attractif que le pétrole en termes de rentabilité.

  1. Les réserves minières comme garantie de prêts

Énoncé :

« 1 milliard de tonnes de réserves de fer constitue une GARANTIE fiable pour les levés de fonds. »

Analyse :
Bien que les ressources naturelles puissent être utilisées comme garanties, les institutions financières demandent des preuves de viabilité économique. Les réserves de fer doivent être :

  • Commercialisables sur le marché international ;
  • Exploitables à des coûts raisonnables ;
  • Soutenues par une gouvernance transparente et des contrats stables.

Faiblesse :
La dépendance à des ressources naturelles comme garantie peut être risquée, particulièrement dans des contextes où les cadres institutionnels sont fragiles. Les retards fréquents du projet Simandou, liés à des conflits entre partenaires et des problèmes de gouvernance, illustrent bien ce risque.

  1. Exemple des pays arabes et du pétrole

Énoncé :

« Si le pétrole a pu développer les pays arabes, pourquoi le projet minier Simandou ne va pas développer la Guinée ? »

Analyse :
Les pays arabes ayant réussi grâce au pétrole (Qatar, Émirats arabes unis, Arabie saoudite) bénéficient d’une gestion rigoureuse des revenus, souvent soutenue par des fonds souverains, une diversification économique et une vision stratégique à long terme. À l’inverse, des pays comme le Nigeria ou le Venezuela peinent à transformer leurs richesses en développement durable en raison de la corruption et de la dépendance économique.

Faiblesse :
Comparer le pétrole des pays arabes au fer de la Guinée est réducteur. Les ressources naturelles seules ne suffisent pas pour garantir un développement durable ; des conditions politiques, sociales et économiques adéquates sont nécessaires.

  1. Programme Simandou 2040 et développement futur

Énoncé :

« L’État guinéen prendra le revenu minier pour financer le Programme Simandou 2040 et développer la Guinée. »

Analyse :
Un tel plan repose sur plusieurs conditions : gestion rigoureuse des fonds, transparence totale et absence de corruption. Cependant, l’expérience montre que la Guinée a souvent rencontré des difficultés dans ces domaines.

Faiblesse :

  • Aucun détail précis n’est fourni sur les mécanismes du Programme Simandou 2040, ce qui rend cette promesse abstraite.
  • Une dépendance exclusive aux revenus miniers pour financer le développement expose le pays à des déséquilibres économiques, notamment en cas de chute des prix des matières premières.
  1. La vraie cause des problèmes miniers

Énoncé :

« Le problème n’a jamais été les mines dans les pays sous-développés, le mal a toujours été au niveau de la gestion (sans vision) des revenus miniers. »

Analyse :
Cette conclusion est partiellement juste. Cependant, elle occulte d’autres défis majeurs liés aux mines :

  • Impacts environnementaux et sociaux (déplacement de populations, destruction des écosystèmes) ;
  • Manque de diversification économique ;
  • Conflits fonciers et répartition inégale des bénéfices.

Conclusion générale

Le texte analysé simplifie de manière excessive les mécanismes économiques liés aux ressources naturelles, en omettant des facteurs critiques tels que la gouvernance, la diversification économique et les impacts sociaux et environnementaux. Si le potentiel des mines est réel, sa réalisation nécessite une planification stratégique rigoureuse, une transparence totale et une gestion responsable des revenus – des conditions souvent absentes dans les pays en développement.

Akoumba  Diallo
Auteur de Dans l’arène de Simandou

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