Les autorités de la transition doivent savoir qu’un peuple longtemps opprimé, méprisé, humilié et trahi par des dirigeants autoritaires et corrompus, est semblable à du lait sur le feu. A force d’augmenter le feu des restrictions tous azimuts des libertés, notamment les libertés de manifester, d’expression, de réunion et d’association, le lait peut déborder et devenir incontrôlable.
Au fondement de tout État de droit, se trouve une justice indépendante et impartiale rendue par des magistrats au nom du peuple de Guinée.
Or, la justice guinéenne, censée être un vecteur de pacification des relations sociales, est devenue un obstacle majeur pour la paix, la quiétude sociale, la démocratie ainsi que la promotion des libertés et de l’Etat de droit.
La justice est le problème là où elle devrait être la solution à nos maux.
En mission à l’intérieur du pays, précisément dans la ville martyrisée et assoiffée de justice qu’est N’zérékoré, dépassé par l’immensité du chantier de la justice et embourbé dans son incapacité à apporter des solutions rapides, fiables et durables aux tares de notre appareil judiciaire, M. Alphonse Charles Wright se livre à un verbiage aussi dangereux qu’inutile dont lui seul a le secret.
Cela pour tenter de salir la réputation et la dignité de ses prédécesseurs ainsi que celle d’anciens premiers ministres qui ont pourtant fait ce qu’ils pouvaient dans le contexte qui était le leur.
Nous le disons régulièrement et on ne cessera jamais de le répéter : la Guinée de nos rêves, cette Guinée unie, solidaire, travailleuse et heureuse, verra le jour inéluctablement à la faveur du règne d’une justice fiable, équitable et au service de loi. Une justice à même de garantir l’égalité devant la loi de tous les citoyens de notre pays.
Devons-nous rappeler à monsieur Charles Wright que depuis qu’il est ministre de la Justice, il y’a une quinzaine de guinéens qui sont morts dans les manifestations et le plus souvent du fait des balles réelles et que, jusqu’à présent, son Ministère est incapable d’ouvrir des enquêtes indépendantes et d’organiser des procès justes et équitables pour situer les responsabilités ?
Devons-nous rappeler au ministre des réseaux sociaux que de nos jours, la maison centrale est pleine de prisonniers politiques ? Des Guinéens dont le seul crime est de s’opposer à la gestion unilatérale et autoritaire de la transition, à la confiscation des libertés individuelles et collectives, à la confiscation du pouvoir ?
En parlant justement de ces arrestations et détentions illégales, injustes et extrajudiciaires, je pense à Foniké Mengue, à Ibrahima Diallo, à Billo Bah et autres anonymes qui croupissent dans les prisons surpeuplées et insalubres de la junte.
Devons-nous rappeler à monsieur Charles Wright que le développement ne s’improvise pas ? D’ailleurs, est-il au courant de la grande précarité économique et sociale à laquelle les Guinéens font face au quotidien du fait aussi de l’injustice ? Est-il au courant que la manifestation dans les rues et sur la place publique est un droit constitutionnel que le régime auquel il prête allégeance bafoue allègrement ? Est-il au courant qu’en cas de dérapage dans le maintien d’ordre, son travail et celui de son Ministère est d’identifier, arrêter et traduire devant les tribunaux compétents les auteurs, les commanditaires et les complices des actes de violences et des assassinats ciblés ?
Devons-nous enfin rappeler à monsieur Alphonse Charles Wright que la justice ne doit pas être sélective ? Clémente et accommodante avec les thuriféraires de la junte et redoutable et injuste avec leurs détracteurs ?
En tout état de cause, si on est prompt à traquer, à arrêter et à juger les anciens dignitaires du régime Condé pour corruption, blanchiment d’argent et enrichissement illicite, on ne doit pas fermer les yeux quand la presse et les citoyens alertent de façon insistante sur des cas graves de dilapidation des ressources publiques et de corruption dénoncés çà et là sous la junte.
Au cas où l’ancien magistrat que personne ne reconnaît tant son changement de veste aura été spectaculaire l’ignorerait, il faut l’informer de cette affaire de montre à 400.000 dollars arboré indécemment par qui l’on sait, qui a défrayé la chronique à Conakry et bien au-delà, dans un contexte de grande précarité économique et sociale.
Je n’oublie pas les cas de détournement à l’OGP relayés par tous les grands médias du pays.
Des dossiers classés sans suite parce qu’ils toucheraient les cadres considérés intouchables par le CNRD.
Il est important d’apporter un miroir à notre accidentel ministre de la justice afin qu’il y voit le reflet de ses turpitudes.
Comment parler de paix si la justice est bafouée, instrumentalisée, les boutiques et magasins pillés, des innocents assassinés, le tout dans l’indifférence générale du CNRD et des Institutions de la transition ?
Pour peu qu’on soit conséquent, c’est NON. On ne peut construire la paix, la quiétude sociale et l’unité nationale en institutionnalisant l’injustice.
Comme le dirait l’autre, une justice défaillante concourt plus à l’instabilité politique, économique et sociale de notre pays.
En parlant ainsi de vos aînés, vous manquez encore l’opportunité d’être du bon côté de l’histoire. Un ministre responsable ne s’attaque pas à ses prédécesseurs, il fait simplement mieux qu’eux.
Monsieur le Ministre, arrêtez ce cirque et déclarez vos biens. Arrêtez les discours creux et mettez-vous au travail. C’est ce dont la patrie a besoin.
A bon entendeur !
SOULEYMANE SOUZA KONATÉ, MEMBRE DU CONSEIL POLITIQUE DE L’UFDG ET CONSEILLER CHARGÉ DE COMMUNICATION DE CELLOU DALEIN DIALLO.