« La justice est l’affaire de tous » est le titre d’une tribune ouverte par le M. Tibou Kamara qui ne s’est pas exprimé en tant que Ministre porte-parole du gouvernement, même si l’article est vu comme la réponse du gouvernement à la dénonciation du Barreau en date du 17 Aout 2021.
Entre autres piques, M. Tibou dit dans sa tribune que « le Barreau a été passif face à plusieurs violations des droits de l’homme, passif également face à plusieurs crimes commis en Guinée, les avocats se réjouissent de la libération de leur clients sous le régime de la semi-liberté qu’ils critiquent, beaucoup d’avocats sont devenus des chroniqueurs ou médiatiques… ».
Il faut d’entrée de jeu, remercier M. Tibou Kamara pour cette tribune combien intéressante. C’est un bon exemple de la liberté d’expression.
Oui, je l’admets en tant qu’avocat que ce que M. Tibou dit est en partie vrai. Commençant par la passivité du Barreau de Guinée, il faut le relativiser car beaucoup de dénonciations ont été faites par le Barreau. Les archives existent. A mon avis, la passivité du Barreau s’explique parfois par le caractère politique de certains cas, parce que le Barreau est apolitique, il ne faut pas l’oublier. Or, la moindre prise de position des avocats est perçue par le gouvernement comme politique. A l’occasion d’une rencontre qu’il a eu avec le Barreau à la présidence, il a traité certains avocats, notamment ceux du FNDC « d’avocats roulant pour des politiques ». Alors que la question de la Constitution est aussi « l’affaire de tous » M. Tibou.
Oui, la libération des 4 détenus a réjoui leurs avocats. Mais quel est cet avocat qui ne se réjouirait pas de la libération de son client quel que soit la forme ? A qui la faute si la forme est violée, à l’avocat ou au Directeur de l’administration pénitentiaire dans ce cas-ci ?
Pour rappel, dans le Code de procédure pénale révisé en 2017, il est disposé que c’est le juge de l’application des peines qui accorde le régime de la semi-liberté, ou de placement externe à un prisonnier dont le jugement n’est pas programmé. Ce juge l’accorde ou non après les avis du procureur de la République et du Directeur de l’administration pénitentiaire. Mais à date, ce juge qui doit être nommé par Décret du Président de la République n’existe pas dans tout le pays. Là également, c’est la faute du gouvernement ou du Président de la République qui doit prendre ce Décret de nomination. D’ailleurs, ce n’est pas seulement ce Décret « important » qui n’est pas pris, il n’a pas également pris le Décret mettant en place la Haute Cour de justice qui doit le juger son gouvernement et lui-même, en cas de haute trahison.
Si le Barreau est passif, l’Etat l’est aussi, car il faut reconnaitre que c’est face au vide crée par le Décret du Président de la République que le Directeur de l’administration pénitentiaire, qui a un incroyable talent, s’est frayé un chemin en ordonnant la semi-liberté à 4 détenus malades (honorable Ousmane Gaoual Diallo, Cherif Bah, honorable Cellou Baldé et Abdoulaye Bah) et révoquant celui du dernier d’entre eux quelques jours après.
Quant aux avocats chroniqueurs ou icônes médiatiques, il y’en aura toujours M. Tibou Kamara car au-delà du prétoire, ce sont, entre autres, des moyens de lutte pour l’avocat d’aujourd’hui. Modernité oblige !
Maître Mamoudou Sané, avocat à la Cour et membre du Barreau de Guinée