Stabilité du franc guinéen : Une déclaration du Gouverneur aux accents politiques, selon l’économiste Mamadi Fatoumata Keïta
Dans le cadre de la célébration de l’anniversaire de la monnaie guinéenne, le Gouverneur de la Banque Centrale de la République de Guinée (BCRG) a affirmé que « depuis le 5 septembre 2021, la monnaie guinéenne est la plus forte au monde contre le dollar. » Une déclaration qui n’a pas manqué de faire réagir plusieurs observateurs économiques. Parmi eux, l’économiste Mamadi Fatoumata Keïta, qui estime que cette sortie relève davantage du discours politique que de l’analyse économique rigoureuse.
Dans une interview accordée à notre rédaction, l’économiste rappelle que la stabilité relative du franc guinéen n’est pas un phénomène récent. Elle trouve ses origines bien avant 2021, notamment grâce aux réformes engagées en 2010. À cette époque, une nouvelle loi a interdit le financement direct du déficit public par la Banque Centrale, ce qui a permis à l’institution de mobiliser davantage de réserves de change.
« Avant 2010, les réserves de change de la Guinée ne couvraient que huit jours d’importation. Mais grâce à cette réforme, elles ont atteint quatre mois et demi en 2020, soit une valeur estimée à 4,5 milliards de dollars. » explique-t-elle. Une situation qui a permis à la BCRG d’appliquer plus efficacement sa mission fondamentale de stabilité des prix, telle que définie par l’article 2 de la loi bancaire.
Contrairement à ce que laisse entendre le Gouverneur, Mamadi Fatoumata Keïta souligne que le taux de change du franc guinéen ne s’est pas renforcé de manière spectaculaire après 2021. Il était déjà relativement stabilisé depuis 2015, bien que sans baisse significative. Cette tendance s’explique par les efforts conjugués de la Banque Centrale et du ministère de l’Économie et des Finances, dans le cadre des objectifs macroéconomiques de l’État.
Sur la scène internationale, l’économiste rappelle que la solidité d’une monnaie dépend fortement de la balance commerciale d’un pays. « Si un pays importe plus qu’il n’exporte, sa monnaie perd de la valeur en raison d’une sortie massive de devises. À l’inverse, même des pays en conflit parviennent à maintenir une monnaie stable lorsqu’ils exportent plus qu’ils n’importent. »
Dès lors, comparer la monnaie guinéenne aux devises les plus fortes du monde relève, selon elle, d’une simplification excessive. La stabilité du franc guinéen ne saurait être analysée sans prendre en compte les fondamentaux économiques, notamment la capacité du pays à générer des entrées de devises par l’exportation.
Si Mamadi Fatoumata Keïta reconnaît que des efforts ont été fournis pour stabiliser la monnaie nationale, elle estime que les propos du Gouverneur sont à replacer dans leur contexte. « Cette déclaration est beaucoup plus politique qu’économique. La Guinée a certes amélioré la gestion de sa monnaie, mais il serait exagéré d’affirmer qu’elle est aujourd’hui la plus forte au monde contre le dollar. »
Une mise au point qui vient nuancer un discours institutionnel parfois trop optimiste et rappeler que la solidité d’une monnaie repose avant tout sur des fondamentaux économiques solides et une gestion rigoureuse des finances publiques.
Mountaga Pandiara Diallo pour Planete7.info
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