Le Voile de l’Ignorance et Sa Pertinence dans les Luttes pour la Justice en Guinée

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La Guinée traverse une crise morale et sociale profonde. Une fraction de la population continue de commettre des injustices, tandis qu’une grande partie de cette même population s’oppose à ceux qui les dénoncent. Depuis l’arrivée de la junte militaire au pouvoir, une fraction de ceux qui ont historiquement opprimé les autres et commis des injustices se retrouvent eux-mêmes ciblés. En conséquence, ils dénoncent maintenant les injustices qu’ils ont autrefois perpétrées, soutenues ou ignorées. De plus, ceux qui restaient silencieux par peur ou par intérêt commencent à parler, car ils sont désormais victimes ou voient leurs familles et intérêts touchés.

Cette situation montre l’importance de créer une société juste en utilisant le principe du « voile d’ignorance ».

Le Voile de l’Ignorance

Le philosophe John Rawls a proposé le concept du « voile d’ignorance ». Ce principe suggère que pour créer une société équitable, il faut imaginer que nous ne savons pas quelle sera notre position future dans cette société. Cela nous pousse à établir des règles justes pour tout le monde, car nous pourrions nous retrouver dans n’importe quelle situation sociale, y compris la plus désavantagée.

L’Injustice en Guinée

En Guinée, les injustices sont courantes. Elles incluent la corruption, l’abus de pouvoir, la discrimination ethnique, et la répression par la police et l’armée. Depuis l’indépendance, les forces armées ont souvent été utilisées pour opprimer et tuer des innocents, qu’ils soient civils ou militaires.

Beaucoup de gens profitent de ces injustices ou restent silencieux parce qu’ils ne sont pas touchés directement. D’autres se taisent à cause de leurs liens familiaux avec les responsables. Cette complaisance et ce silence sont aussi nuisibles que les actes eux-mêmes. L’injustice doit être dénoncée et combattue universellement, sans favoritisme.

En même temps, certains courageux luttent contre ces injustices, souvent au péril de leur vie. Ils exposent la corruption, défendent les droits humains et demandent des comptes. Mais ils rencontrent souvent une opposition féroce de ceux qui bénéficient du statu quo.

Le Renversement de la Situation

Récemment, les choses ont changé. Ceux qui avaient le pouvoir et commettaient des injustices vivent maintenant les mêmes injustices qu’ils ont infligées aux autres. Cela a conduit à une protestation de ces anciens oppresseurs, qui dénoncent maintenant les pratiques injustes qu’ils soutenaient auparavant.

De plus, ceux qui restaient silencieux commencent à parler maintenant que ces injustices les touchent directement. Ils dénoncent les injustices seulement quand ils en sont victimes, mais restent silencieux quand d’autres en souffrent.

Un Exemple Notable : Kassory Fofana, Damaro Camara et Sadiba Koulibaly

Un Exemple Notable : Kassory Fofana, Damaro Camara et Sadiba Koulibaly

L’ancien Premier Ministre Kassory Fofana disait qu’il préférait l’ordre à la loi. Il a participé à l’oppression du peuple et à la répression des manifestations pacifiques pendant son mandat. Aujourd’hui, lui et d’autres anciens ministres, ainsi que l’ancien président de l’Assemblée nationale, Damaro Camara, se retrouvent en prison sous la junte militaire actuelle, sans jugement formel ni procédure régulière.

Le décès du Général Sadiba Koulibaly est un autre exemple. Le Général, rétrogradé Colonel et condamné à cinq ans de prison, est mort dans des circonstances contestées après que son lieu de détention ait été tenu secret. Sa mort montre les pratiques brutales et injustes du système judiciaire et politique actuel en Guinée, système dont il faisait partie. Son avocat avait averti des risques liés à sa détention et a exprimé sa consternation face à cette perte pour la République.

Je suis convaincu que dans ses derniers jours, Sadiba Koulibaly regrettait d’avoir participé aux injustices du système qu’il défendait, ou de ne pas avoir agi contre elles. Mais hélas, c’est trop tard.

De même, je crois qu’aujourd’hui Kassory préfère la loi à l’ordre. L’ordre, c’est la force, et il n’en a aucune en ce moment. Seule la loi peut le sauver. J’espère que les autres apprendront de ces exemples et arrêteront l’injustice, le trafic d’influence, la discrimination ethnique et la corruption systématique.

Appliquer le Voile de l’Ignorance à la Guinée

La Guinée a l’occasion de réfléchir et d’appliquer le principe du voile d’ignorance. Si ceux au pouvoir avaient conçu la société sans connaître leur position future, ils auraient probablement créé des institutions plus justes et équitables. En imaginant comment ils voudraient être traités s’ils étaient au bas de la société, ils auraient établi des systèmes qui protègent les droits et la dignité de tous.

Aller de l’Avant

Pour que la Guinée progresse et rompe le cycle de l’injustice, il est crucial d’adopter le principe du voile d’ignorance. Voici quelques étapes clés :

1. Réforme Institutionnelle : Mettre en place des réformes légales et politiques pour assurer la responsabilité, la transparence et l’équité dans la gouvernance.

2. Éducation et Sensibilisation : Promouvoir l’éducation et la sensibilisation aux droits humains et à l’importance de la justice et de l’égalité pour une paix et un développement durables.

3. Dialogue Inclusif : Encourager un dialogue inclusif et la participation de tous les segments de la société pour créer une vision partagée de l’avenir.

4. Renforcement de la Société Civile : Soutenir les organisations de la société civile qui plaident pour les droits humains, la justice et la responsabilité.

Les turbulences en Guinée rappellent puissamment la nécessité de justice et d’équité dans la société. En adoptant le principe du voile d’ignorance, les Guinéens peuvent construire une société où chacun est traité avec dignité et respect, en veillant à ce que les injustices ne soient pas seulement dénoncées mais éradiquées. Seule une telle transformation permettra à la Guinée d’atteindre une paix et une prospérité durables pour tous ses citoyens.

Il est essentiel que la dénonciation des injustices soit universelle et non sélective. Chaque Guinéen a le devoir moral de condamner les injustices, qu’elles touchent leur propre groupe ou un autre. Ce n’est qu’à travers une prise de conscience collective et une action concertée que la Guinée pourra surmonter ses divisions et bâtir un avenir juste et équitable pour tous.

Le cas de Kassory Fofana, Damaro Camara et d’autres anciens ministres, ainsi que le décès tragique de Sadiba Koulibaly, est un exemple poignant de la manière dont ceux qui échouent à bâtir un système juste peuvent finalement se retrouver non protégés par les structures qu’ils ont autrefois soutenues. Leur emprisonnement sous la junte actuelle sans procédure régulière montre l’importance d’un système judiciaire équitable et transparent. Si la Guinée avait adopté le principe du voile d’ignorance et mis en place des institutions justes, ces anciens dirigeants bénéficieraient aujourd’hui des protections qu’ils n’ont pas su garantir aux autres.

Depuis l’indépendance, la police et l’armée ont souvent été utilisées comme instruments de répression, infligeant des injustices et des violences à la population. Pour rompre avec ce passé sombre, il est impératif de réformer en profondeur les forces de l’ordre et les institutions militaires, en les transformant en protecteurs des droits des citoyens plutôt qu’en oppresseurs.

En fin de compte, la véritable justice en Guinée ne sera possible que lorsque tous les citoyens, quels que soient leur statut ou leur appartenance ethnique, se lèveront pour défendre les principes universels de justice et d’équité. Seule cette solidarité et cet engagement envers les valeurs démocratiques permettront de construire une société où chacun est libre, respecté et protégé.

Abdourahamane Diallo
Scholar guinéen-américain.
Spécialisé en géopolitique et en conception de scénarios macroéconomiques.

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