À son avènement au pouvoir le 5 septembre 2021, le CNRD avait énoncé comme deuxième priorité de la Transition « le Redressement ».
LE REDRESSEMENT: cette priorité comprend les trois volets suivants : (1) la rupture et la transparence dans la gouvernance, (2) les réformes économiques urgentes, et (3) les réformes sociales urgentes.
1) En matière de rupture et de transparence dans la Gouvernance : à la veille de la prise du pouvoir par le CNRD, l’opacité, le clientélisme et le népotisme étaient monnaie courante dans la gouvernance du pays. Dans son rapport publié en juillet 2021 sur la situation économique de la Guinée, le FMI affirmait « le score de la Guinée sur l’indice de l’évaluation des politiques et des institutions de la Banque Mondiale est resté inchangé depuis 2016, à peine au-dessus de la moyenne des pays de l’Afrique sub-saharienne; la pire performance étant celle du secteur public, reflétant ainsi la faible capacité institutionnelle du pays ».
Depuis l’avènement du CNRD au pouvoir le 5 septembre 2021, plusieurs actions concrètes ont été entreprises pour assurer une rupture avec les pratiques anciennes :
• Le principe qui veut que tout agent de l’État impliqué dans des malversations financières soit démis de ses fonctions jusqu’au prononcement de la justice a été scrupuleusement respecté par le Président de la Transition. À cet effet, plusieurs conseillers locaux, des hauts cadres et des ministres ont été démis de leur fonction pour faire face à la justice;
• Il a été institué par le Président de la Transition le principe de l’audit annuel de tous les marchés publics attribués par l’État;
• La Cour des Comptes et le Vérificateur Général de l’État sont désormais des institutions pleinement actives qui produisent des rapports suivis de recommandations appuyées par le Président de la Transition; et
• Il est instauré l’évaluation semestrielle de la feuille de route des différents ministres par une équipe technique de la Primature afin de donner un sens au principe d’imputabilité et de redevabilité.
–> Appréciation : Bien! Dans son Rapport publié en janvier 2023 sur la situation économique de la Guinée, le FMI affirme « en matière de gouvernance, des progrès ont été réalisé. Les autorités ont pleinement mis en œuvre leurs engagements. En plus de cela, les autorités ont mis en place une cour pour les poursuites des crimes économiques et financiers, ce qui contribue à réduire la perception d’impunité dans le pays ». Il est vrai qu’il y a encore plusieurs pratiques vertueuses à implanter dans la gouvernance du pays, notamment au niveau de la passation des marchés publics. Cependant, pour pérenniser les acquis de la transition, il est important pour le gouvernement, non seulement d’accorder une très grande importance aux travaux de la Cour des Comptes et du Vérificateur Général de l’État, mais surtout, de donner suite aux recommandations de ces deux entités. De même, il est important de maintenir l’évaluation semestrielle des ministres et d’avancer concrètement vers le modèle Rwandais de passation des marchés publics ambitionné par le Président de la République d’ici la fin de la transition.
–> Les points faibles : Les points faibles sur ce plan portent sur la faible capacité du gouvernement à mettre en œuvre et assurer le suivi des recommandations de la Cour des Comptes et du Vérificateur Général de l’État. De même, l’incapacité du Gouvernement à exécuter plusieurs instructions du Président de la Transition concernant la bonne gouvernance des Établissements Publics Administratifs (EPA) et le rapatriement des recettes minières de l’État.
2) En matière de réformes économiques urgentes : à la veille de la prise du pouvoir par le CNRD, l’économie guinéenne s’inscrivait dans le contexte de la dynamique post-covid 19. Cependant, en dépit d’une croissance économique largement tirée par l’exploitation minière, les performances macroéconomiques du pays étaient médiocres à cause de la mauvaise gouvernance et de la corruption.
À l’avènement du CNRD au pouvoir le 5 septembre 2021, malgré le contexte de crise internationale marquée par l’agression de la Russie contre l’Ukraine, plusieurs actions furent prises pour redresser la situation macroéconomique du pays. Parmi ces actions, les principales furent :
• Une meilleure rationalisation des dépenses publiques grâce à la réduction du nombre de ministères et d’agences publiques de 53 à 38, mais surtout grâce à l’épuration du fichier de la fonction publique;
• Le remboursement, seulement entre septembre 2021 et juin 2022, de 3000 milliards GNF d’arriérés de dette publique intérieure accumulés avant septembre 2021;
• Une meilleure mobilisation des recettes publiques, non seulement au niveau des régies financières de l’État, mais aussi grâce à une meilleure renégociation des prix des matières premières, notamment de la bauxite et de l’or;
• Une meilleure mobilisation des recettes fiscales grâce à la création d’un identifiant unique associé aux différents foyers fiscaux, ainsi que la digitalisation de la déclaration et du paiement des taxes;
• La conception d’un budget de l’État pluriannuel qui offre une meilleure lisibilité sur l’évolution des grands projets de l’État; et
• La remise sur les rails du méga-projet Simandou qui, selon le Rapport de janvier 2023 du FMI, avait connu « plus d’une décennie de retards à cause d’affaires judiciaires et de la corruption ».
Grâce à l’ensemble de ces efforts, sur le plan macroéconomique, les indicateurs publiés dans le Rapport de janvier 2023 du FMI parlent d’eux-mêmes :
• Une croissance économique de 5.6% pour l’année 2023, alors qu’elle n’était que de 4.3% en 2021 avant l’avènement du CNRD au pouvoir;
• Une inflation de 11.4% pour l’année 2023, alors qu’elle était de 12% avant l’avènement du CNRD au pouvoir;
• Une augmentation des exportations de 2.8% en 2023, alors qu’elles stagnaient 0.6% avant l’arrivée du CNRD au pouvoir;
• Une baisse du déficit public à 2.5% du Produit Intérieur Brut (PIB) en 2023, alors qu’il se situait à 3.9% du PIB avant l’avènement du CNRD au pouvoir;
• Une baisse de la dette publique à 35.3% du PIB en 2023, alors qu’elle se situait à 43.3% du PIB avant l’avènement du CNRD au pouvoir; et
• Quant aux réserves de devises à la Banque centrale en 2023, elles restent au même niveau qu’à l’avènement du CNRD au pouvoir (2.4 mois d’importations).
–> Appréciation : Bien! L’amélioration de la situation macroéconomique du pays se retrouve validée par le classement 2023 de la Banque Mondiale qui consacre le passage de la Guinée pour la première fois de son histoire du rang de pays à « revenu faible » à celui de pays à « revenu intermédiaire ». De même, pour la deuxième année consécutive en 2023, le Port Autonome de Conakry est classé 1er Port en Afrique de l’Ouest et en Afrique Sub-saharienne Atlantique dans l’indice de performances des ports à conteneurs élaboré par la Banque mondiale, gagnant ainsi 35 places supplémentaires dans le rang mondial. Finalement, la bonne gouvernance économique a produit des effets positifs qui n’étaient même pas anticipés par les autorités, notamment en matière d’infrastructures. En fait, le paiement des arriérés de l’État a naturellement fait émerger des immeubles, des routes, des hôpitaux, des écoles et des centres de santé. Cependant, le gouvernement peut mieux faire en matière de réduction de l’inflation (cherté) des denrées de première nécessité, de mobilisation des recettes publiques minières et non minières, de même qu’en matière d’augmentation des réserves de devises à la Banque centrale.
–> Les points faibles : L’un des principaux boulets qui déséquilibre les finances publiques de la Guinée est la subvention accordée par l’État au secteur de l’électricité. Depuis les années 90 jusqu’à présent, aucun gouvernement n’a réussi à trouver la formule nécessaire pour rendre la compagnie « Électricité de Guinée (EDG) » profitable; ou, en tout cas, à arrêter les énormes subventions publiques accordées à EDG. À cause de ces énormes subventions publiques, les gouvernements successifs en Guinée n’ont jamais réussi à dégager un financement suffisant pour la protection sociale et les grands projets d’infrastructures de base dont le pays a véritablement besoin. Cette période de transition, parce qu’elle est aussi une transition de grandes réformes impopulaires menées par des acteurs qui n’envisagent pas solliciter le vote des populations, était une occasion unique de faire face à ce grand défi. Mais les autorités de la transition ne semblent pas suffisamment armées pour affronter ce défi. En plus de l’inaction du gouvernement en matière de politique conjoncturelle pour l’emploi massif des jeunes, c’est celui-là le principal point faible sur la situation macroéconomique.
2) En matière de réformes sociales urgentes : sur le plan social, avant l’avènement du CNRD au pouvoir, c’était la catastrophe totale. La Covid-19 avait dévasté le système de santé publique. L’école publique était en totale faillite au point que les plus hauts responsables de l’État se moquaient du niveau des enseignants au lieu de mettre les moyens nécessaires au leur service pour les accompagner dans leur mission d’éducation des enfants. De même, en dépit du fait que la précarité rendait la vie insupportable à l’ensemble des travailleurs du pays, le gouvernement s’apprêtait malgré tout à réduire de 5% le salaires des travailleurs afin de pouvoir continuer à verser cet argent dans le compte des employés fictifs de l’État payés à plus de 400 milles dollars par mois. Et finalement, il n’y avait aucun système de protection sociale viable dans le pays.
C’est dans ce contexte qu’arriva le CNRD au pouvoir. Depuis le 5 septembre 2021, sur ce front également, des mesures importantes ont été entreprises :
• L’annulation de la décision de réduire de 5% les salaires des fonctionnaires;
• L’augmentation à 25% du Salaire Minimum Interprofessionnel Garanti (SMIG);
• La majoration à 25% des primes et indemnités du personnel de la santé et de l’éducation;
• L’augmentation à 15% des primes de transport et de logement des fonctionnaires;
• L’augmentation à 127% de l’allocation familiale des fonctionnaires;
• L’augmentation à 120% des petites pensions perçues par les veuves et les orphelins;
• L’augmentation à 85% des pensions intermédiaires;
• L’augmentation à 50% des grandes pensions; et
• La revalorisation historique des bourses d’études et d’entretiens des étudiants.
À ces mesures concrètes citées ci-haut, il faut rajouter les efforts gigantesques employés par les autorités pour la qualification du système éducatif du pays. Désormais, les fraudes ne sont plus la règle, mais plutôt l’exception dans l’enseignement pré-universitaire. Après le diagnostic alarmant des résultats de l’année scolaire 2022, les résultats de l’année 2023 redonnent enfin de l’espoir quant à la qualité de l’éducation dispensée aux enfants du pays. L’enseignement universitaire brille désormais par l’innovation. Et l’enseignement professionnelle retrouve tout son sens face à la demande du marché du travail en Guinée.
–> Appréciation : Bien! C’est un énorme effort qui a été consenti dans un contexte de rareté de ressources publiques. Les acquis en matière d’éducation sont particulièrement considérables. Cependant, il reste encore beaucoup à faire dans le cadre de cette transition, notamment l’état des lieux de la protection sociale en Guinée. Il est vrai qu’il y a un Fonds de Développement Social et de l’Indigence (FDSI) qui fait un bon travail à travers le pays, mais cela est très loin d’un véritable système de protection sociale.
–> Les points faibles : selon le Rapport 2022 du Programme Alimentaire Mondiale (PAM) sur l’état de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde, à cause de l’agression de la Russie contre l’Ukraine, le nombre de personnes affectées par la faim dans le monde a radicalement augmenté. En ce qui concerne le cas spécifique de la Guinée, selon les données du FMI publiées en janvier 2023 dans le rapport sur la situation socioéconomique du pays, non seulement l’insécurité alimentaire s’est fortement dégradée en 2022 en Guinée (1,2 millions de personnes vivant dans une insécurité alimentaire aigüe), mais de plus, avec l’augmentation de 300% des prix locaux des engrais depuis 2021, la situation de l’insécurité alimentaire va continuer à se dégrader en Guinée au cours de l’année 2023. À part les actions du PAM sur le terrain en Guinée, les autorités de la transition ne semblent pas faire de la lutte contre l’insécurité alimentaire une priorité nationale malgré le chiffre glaçant de 1,2 millions de personnes vivant dans une insécurité alimentaire aigüe.
*********************************************
–> La prochaine priorité est « LE RASSEMBLEMENT »: Dans les prochaines heures je partage avec vous le bilan de la Priorité 3 <–
Mr Mamadou Oury Diallo
Président de la LDRG