Le président du parti Ligue des Démocrates Réformistes de Guinée (LDRG) s’est exprimé ce mardi sur le dernier développement de l’actualité sociopolitique de la Guinée. Dans une interview qu’il a accordée à notre rédaction depuis le Canada, Mamadou Oury Diallo a abordé plusieurs questions comme le dialogue politique et le débat d’orientation constitutionnelle.
Le leader politique a aussi exprimé ses souhaits pour la réussite de la transition en cours dans le pays. Suivez !
dans l’ensemble nous avançons dans la bonne direction
Planete7.info : A distance quel regard d’ensemble portez-vous sur la conduite de la transition ?
Mamadou Oury Diallo : La gestion d’une transition de refondation comme celle que nous connaissons en Guinée n’est pas une chose facile. Les attentes des populations sont énormes. Dès le départ au sein de notre parti, nous avions déjà affirmé qu’aucune transition au monde ne peut être parfaite. Donc celle qui s’annonçait le 5 septembre 2021 n’allait pas faire exception à la règle. Il est important que chacun ait cela en tête. La meilleure manière d’apprécier l’évolution de la transition est donc d’observer les grandes tendances pour savoir est-ce que nous avançons dans le bon sens. Dans notre discours de fin d’année, la LDRG avait fait le bilan des actes posés par le CNRD. Et nous sommes arrivés à la conclusion que dans l’ensemble nous avançons dans la bonne direction sur les engagements pris par le Colonel Mamadi DOUMBOUYA le 5 septembre. Finalement, j’avais aussi rappelé que si depuis le 5 septembre 2021 des actes positifs et spectaculaires ont été posés, la transition entre désormais dans sa phase de gestion des réformes engagées. C’est la phase la plus importante car c’est elle qui au final va déterminer la réussite ou l’échec des réformes engagées. C’est la phase la plus complexe. Et je dois vous dire que jusqu’à présent je n’ai aucune raison de douter de la réussite du CNRD à surmonter les défis de cette phase. Je suis satisfait de voir que la majeure partie de nos propositions sont prises en compte par le gouvernement pour la réussite de cette phase. Donc ils méritent nos encouragements et notre soutien.
-Contrairement à vous, des observateurs estiment que la transition n’est pas inclusive. Des leaders politiques comme Dalein et Sidya sont en exil et ne prennent pas part au débat. Qu’en dites-vous ?
Il faut d’abord rappeler que le volet politique ne concerne que l’un des piliers de la refondation, notamment le retour à l’ordre constitutionnel. Sur ce volet, il faut savoir d’où nous venons d’une situation totalement catastrophique que nous avons héritée du régime précédent. Ensuite, en observant de façon objective la situation, nous devons reconnaître que le CNRD a posé des actes très importants pour à la fois rassembler la nation et aussi progresser de façon consensuelle vers le retour à l’ordre constitutionnel: d’abord les concertations nationales au palais du peuple au lendemain du 5 septembre et la mise en place du CNT; ensuite les assises nationales, la nomination d’un nouveau médiateur de la CEDEAO, la mise en place d’un cadre de concertation permanent qui a été amendé en cadre de dialogue inter-guinéen, la désignation des facilitatrices du dialogue, et finalement l’intervention des religieux. Pour nous, il faut vraiment être de mauvaise foi pour dire que le CNRD ne fait pas d’effort dans ce sens. Maintenant, s’il existe encore des acteurs qui s’estiment exclus de la gestion de la transition, il faut se demander qu’est-ce que ces acteurs-là réclament que du CNRD. Parce que la CEDEAO les partenaires techniques et financiers soutiennent l’accord de 24 mois de chronogramme, une large majorité des partis politiques en Guinée soutient le chronogramme. Donc qu’est-ce que ces acteurs-là veulent d’autre ?
Pourquoi allons-nous dispenser les politiciens de répondre de leur convocation devant la justice et oublier ces autres pauvres citoyens.
–Mais certains de ces acteurs disent être persécutés. Ils sont poursuivis devant la CRIEF mais la justice ne leur inspire pas confiance. Vous pensez que ces arguments ne sont pas valables pour qu’ils restent ailleurs ?
Vous le savez c’est écrit noir sur blanc dans leur réclamation : ils exigent du CNRD l’abandon des poursuites judiciaires pour les infractions financières commises par certains acteurs politiques. Pourtant la moralisation de la vie publique est un autre pilier fondamental de la transition. Donc ces leaders demandent au CNRD de renoncer à la moralisation de la vie publique. Et parce que le CNRD est avant tout un mouvement réformateur, il ne peut renoncer à la moralisation de la vie publique. En tout cas nous au sein de la LDRG l’une des raisons pour lesquelles nous avons confiance au Colonel Doumbouya c’est justement parce qu’il a montré qu’il est capable de moraliser la vie publique. Maintenant la question revient à tous les citoyens de notre pays. Il y a deux visions qui se confrontent : voulons-nous un pays où les acteurs politiques et les riches sont au-dessus de la loi ; ou voulons-nous un pays où tous les citoyens, politiciens ou non politiciens, riches ou pauvres, sont égaux devant la loi ? Voyez-vous, on ne parle pas des milliers de Guinéens qui répondent chaque jour de leur accusation devant les tribunaux de notre pays parce que ceux-là ne sont pas populaires comme certains politiciens. Pourquoi allons-nous dispenser les politiciens de répondre de leur convocation devant la justice et oublier ces autres pauvres citoyens. Ce n’est pas la vision que nous avons pour l’avenir de ce pays. Depuis l’avènement du CNRD au pouvoir, la justice guinéenne est en train de se réformer considérablement. Son budget augmente année après année. Son indépendance est de plus en plus garantie. Grâce à la CRIEF l’Etat de droit se matérialise peu à peu. Et même le Procureur de la Cour Pénale Internationale soutient ces réformes parce que la volonté politique est là. Voyez, malgré les difficultés, le procès des crimes contre l’humanité se déroule dans notre pays. Il me semble donc qu’il serait très irresponsable de discréditer cet effort gigantesque et d’essayer de discréditer la justice guinéenne. À présent, nous devons simplement arriver à convaincre les acteurs politiques qui ont des démêlés judiciaires d’accepter de répondre, comme n’importe quel citoyen, devant la justice de notre pays des faits qui leur sont reprochés. Je crois que nous y arriverons peu à peu parce que les populations comprennent peu à peu et ils refusent d’écouter des appels à déstabiliser la transition pour des raisons autres que l’intérêt national. Il ne s’agit pas d’exclusion. Il s’agit de boycott que certains politiciens veulent exercer pour obtenir l’abandon des poursuites judiciaires. J’espère que ce stratagème ne réussira pas afin que la leçon soit apprise pour toujours et qu’à l’avenir ceux qui aspirent diriger ce pays comprennent très bien qu’un jour ou l’autre ils doivent répondre des actes qu’ils auront posés à la tête de ce pays.
Le Débat d’Orientation Constitutionnelle fait partie de ces pas historiques en avant que vient de faire notre nation.
Le débat d’orientation constitutionnelle a pris fin le week-end dernier au CNT. Pensez-vous que c’est une bonne démarche pour aller vers la rédaction de na nouvelle constitution ?
Vous savez, l’homme est fait de telle sorte que durant les moments historiques, rares sont celles et ceux qui ont le recul nécessaire pour apprécier à sa juste valeur chaque pas en avant effectué par les nations dans leur marche vers le destin qui est le leur. Sous le leadership de l’Honorable Dr Dansa Kourouma, le Débat d’Orientation Constitutionnelle fait partie de ces pas historiques en avant que vient de faire notre nation. Pourquoi c’est un pas historique en avant ? Rappelez-vous très bien lors de la transition qui avait eu lieu de 2008 à 2010 dans notre pays, l’une des plus grosses erreurs commises par les acteurs en charge de la gestion de la transition à l’époque fut justement de se précipiter au point de rédiger à huit-clos une constitution inconnue du peuple et faire décréter cette constitution contre le peuple pour aller très vite aux élections. Il se trouve que non seulement cette constitution-là était incohérente et bancale, mais de plus, elle portait en elle les germes de toutes les crises institutionnelles que nous avons connues durant le régime précédent. Lesquelles crises ont abouti à l’événement du 5 septembre 2021. Donc, pour répondre à votre question, le Débat d’Orientation Constitutionnelle est la réponse historique de notre nation à l’expérience catastrophique que nous avons connue durant la transition de 2008. Cela est un très bon signe parce que ça veut dire que notre nation apprend de ses erreurs. Les nations qui n’apprennent pas de leurs erreurs disparaissent.
Finalement, durant les Débats d’Orientation Constitutionnelle, notre démocratie a intellectuellement respiré. Cela faisait très longtemps qu’on n’avait pas invité et braqué les projecteurs à chaque professionnel pour leur demander de partager leur vision de l’organisation des pouvoirs de notre pays. Donc il s’agit d’une formidable élévation du débat public. La LDRD, nous avons pris part à ce débat à travers notre Coalition politique (la CPR). J’avais également eu l’opportunité de rencontrer en personne l’honorable Dr Dansa Kourouma pour lui soumettre notre proposition. Ceci n’est qu’une étape. Il faut attendre de voir ce qui en sortira. Est-ce que ça sera une constitution très progressiste, moyennement progressiste, ou rétrograde. En ce moment vous m’entendrez à nouveau.
Nous sommes une même nation en quête de bien-être et de bonheur.
Quels sont vos souhaits pour une transition réussie et apaisée en Guinée ?
Aux autorités de la transition, je conseille d’être résilient, de ne pas se décourager, et de ne jamais opter pour la facilité. Il ne faut pas négliger les efforts d’explication des actions du gouvernement envers les populations. Il ne faut pas non plus négliger l’immersion au sein de la réalité populaire. Il est très important de toujours garder ce lien rapproché avec les populations même si très souvent on a l’impression que le soutien populaire fait défaut. Cela permet d’éviter certaines erreurs irréversibles.
Quant aux populations guinéennes, je les appelle à cultiver l’amour d’autrui et la solidarité. Nous sommes une même nation en quête de bien-être et de bonheur. Ce n’est pas chacun de son côté, mais plutôt ensemble que nous y arriverons. J’invite la population à savoir patienter et à reconnaître le travail bienfait pour ce qu’il est et non par celui qui le fait. Et finalement, je les invite à s’éloigner de tous les appels à la haine, à la violence et aux troubles. Ça sera mon mot de la fin.
Merci Monsieur le président!
C’est moi qui vous remercie.
Interview réalisée par Pathé Diallo pour Planete7.info