Détention préventive prolongée : une véritable plaie qui gangrène le système judiciaire guinéen !

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La détention préventive prolongée a toujours constitué l’un des problèmes majeurs de l’appareil judiciaire de notre pays. Bon nombre de la population carcérale du pays est aujourd’hui en attente d’une décision judiciaire. Mais, qu’est-ce que la détention préventive ?

Considérée par les organisations de défense des droits de l’homme comme une atteinte à la liberté des individus, et à leur droit à un procès juste et équitable, la détention préventive est « une mesure de détention, généralement exceptionnelle, visant à emprisonner un accusé jusqu’à la fin du procès alors que sa culpabilité n’est pas encore formellement établie. » Quand est-ce une telle mesure est prise à l’encontre d’un prévenu ?

En effet, quand le juge d’instruction possède des indices sérieux de la culpabilité d’un suspect, il peut l’inculper, c’est-à-dire l’accuser d’une infraction. Le suspect est alors emprisonné avant d’être jugé par un tribunal. Il n’est pas condamné, il est toujours présumé innocent mais le juge estime qu’il doit le priver de liberté, préventivement, pendant la durée de l’enquête. Il peut le décider pour différentes raisons : parce que le suspect pourrait être dangereux pour la société et donc pour éviter de nouvelles infractions, parce qu’il pourrait faire disparaître des preuves, parler avec des complices ou s’enfuir.

Venons aux cas des anciens dignitaires du régime du Professeur Alpha CONDE, placés en détention provisoire depuis plusieurs mois maintenant, détentions qui ne cessent de couler beaucoup d’encre et de salive.

En effet, la question que plus d’un guinéen se posent aujourd’hui est de savoir si l’honorable Amadou Damaro Camara, le Premier Ministre Dr Ibrahima Kassory FOFANA, Dr Mohamed DIANE, Messieurs Louceny NABE, Souleymane TRAORE et autres seraient-ils de ce cadre de figure susvisé pour qu’ils soient privés de liberté pendant tout ce temps ? Ne pourrait-on pas les placer sous contrôle judiciaire et laisser la justice suivre son cours normal ? Sont-ils dangereux pour la société au point de les enfermer pour éviter qu’ils commettent de nouvelles infractions ? Pourraient-ils faire disparaître des preuves ou pourraient-ils s’enfuir ?

Le rappel à Dieu de Monsieur Louceny CAMARA à la suite d’une maladie relance davantage le débat sur cette question de détention préventive sans limite.

Placé sous mandat de dépôt à la Maison centrale de Coronthie à Conakry le 28 avril 2022, Monsieur Louceny CAMARA, ayant successivement occupé le poste de Président de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI), les postes de Ministre du Tourisme, de l’Hôtellerie et de l’Artisanat, des Pêches et de l’Economie maritime, de l’Urbanisme et de l’Habitat, est mort le samedi 20 août 2022, au CHU Ignace Deen, après une crise d’AVC pendant sa détention.

Poursuivi par la Cour de Répression des Infractions Économiques et Financières (CRIEF), pour des faits présumés de « détournements de derniers publics, corruption et enrichissement illicite », cet ancien haut commis de l’Etat est mort, après plusieurs mois de détention, sans être situé sur son sort. Oui, il s’en est allé à jamais. Aucune restriction humaine ne lui sera désormais faite. Il est libre de tous ses mouvements.

Innocent, coupable des griefs qui lui sont reprochés ? L’action publique étant complètement éteinte, ni Monsieur Louceny CAMARA lui-même, ni sa famille d’ailleurs ne sauront désormais la vérité dans cette rocambolesque affaire. Oui, personne ne saura maintenant si ce qui lui est reproché tambour battant par la CRIEF est vrai ou faux.

Qu’est-ce qui empêcherait aujourd’hui la justice guinéenne de libérer ces hauts cadres détenus pendant plusieurs mois ? Pourquoi ne pas les placer sous contrôle judiciaire et laisser la machine judiciaire suivre son cours normal ?

À défaut de placer ces anciennes figures du régime du Professeur Alpha CONDE écrouées à la maison centrale depuis plusieurs mois maintenant sous contrôle judiciaire, on espère que leurs dossiers seront promptement diligentés pour éviter à notre pays la situation que nous vivons aujourd’hui qui n’honore pas du tout notre patrimoine commun. D’ailleurs, qu’est-ce que notre pays fait du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques qu’il a lui-même ratifiés, qui dispose que : « tout individu arrêté ou détenu du chef d’une infraction pénale sera traduit dans le plus court délai devant un Juge et devra être jugé dans un délai raisonnable ou libéré ? »

Les autorités de la transition, comme je l’ai dit dans l’une de mes tribunes, devraient tenir compte des rangs et services rendus par ces hauts cadres à un moment donné de l’histoire de notre pays. Et il faut surtout refuser que la culture de l’humiliation de l’ancien soit instituée dans nos valeurs sociétales.

Je termine par cette citation du Béninois, Monsieur Hubert Maga, qui dit ceci : « Il n’existe que des intouchables de l’instant, des timoniers du temps, des maîtres du moment. Le temps est le maîtres de tous les maîtres. Il faut rire de tout. Mais devant les grandes décisions de la vie, réfléchissez à hier et pensez à demain. Parce que la nature, dans sa comptabilité, est incorruptible et aucune facture ne restera impayée. La nature est juste. »

Paix à l’âme de l’illustre disparu, Monsieur Louceny CAMARA, compagnon de lutte idéologique et que la terre lui soit légère à jamais. Amine !

Sayon MARA, juriste

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