Thierno Monénembo : « A peine six mois, Mamadi Doumbouya nous fait regretter Alpha Condé »

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Dans ce pays unique en son genre qui est le nôtre, quand l’espoir marche, c’est à reculons. Alpha Condé nous a fait regretter Lansana Conté. A peine six mois après son accession au pouvoir, déjà, Mamadi Doumbouya nous fait regretter Alpha Condé. Je m’en voudrai toute ma vie d’avoir soutenu ce putschiste aux objectifs cachés.

Il est temps d’ouvrir les yeux, Guinéens : le coup d’Etat du 5 septembre dernier ne fut qu’un bluff mal ficelé. Heureusement que la nuit a été courte. Six mois à peine, rien que six mois ! Le jour s’est levé ! Toutes les brumes se sont dissipées !

A présent, aucun doute n’est possible : ce Lieutenant-Colonel ne roule ni pour la démocratie ni pour la Guinée, il roule pour les anciens tortionnaires du Camp Boiro. La preuve, comme saisi par un besoin pressant, il a dans la hâte et dans l’illégalité la plus totale, donné à l’aéroport de Gbessia le nom du sanguinaire Sékou Touré sans même avoir la courtoisie de prévenir son premier ministre. Ce n’est pas l’avancée que nous attendions. C’est le retour des années de plomb, c’est-à-dire celui du pouvoir absolu, du népotisme et de la brutalité.

Mamadi Doumbouya ne se comporte pas comme un président de transition, il se comporte comme un monarque de droit divin. Il se mêle de tout, bouscule tout le monde, décrète tout. Il s’est même permis (au nom de quoi, bon dieu !) de nommer le président du CNT, évidemment un homme de sa tribu, ardent défenseur du troisième mandat, qui plus est. Comment appeler un système ou l’Exécutif ordonne au Législatif ? Le pire, c’est que tout cela s’est passé au vu et au su des partis politiques, des syndicats et de la société civile qui tous n’y ont trouvé rien à redire.

On a parfois l’impression que ce pays n’est pas habité par des hommes, je veux dire des citoyens conscients, des citoyens courageux prêts à défendre leurs droits et leur dignité au prix de leur sang, mais par une armée de zombies. Englués dans les préoccupations quotidiennes les plus minuscules, gigotant dans le cul-de-basse-fosse de la soumission et de l’indignité, les Guinéens se soumettent instantanément au dictat du premier imbécile venu. C’est ce qui arrive aux peuples qui refusent de lutter.
Ici, la dictature n’est plus une dérive, c’est devenu la norme. Tout pour le chef, sa famille, son village, sa tribu. Rien pour les autres ! Si on ne fait pas attention, ce sera bientôt le gouvernement mono-ethnique, voire carrément le pays vu comme une propriété tribale.

L’acharnement hystérique dont font l’objet Cellou et Sydia pour de fallacieuses arguties foncières est édifiant en l’occurrence. On sort de vieux dossiers poussiéreux juste pour exclure de la course présidentielle les deux candidats les susceptibles de l’emporter alors que les Kassory, les Damaro, les Diané et les Bantama Sow se la coulent douce en narguant le bon peuple ; eux, qui ont croqué la Guinée comme on dévore de la viande, eux qui ont déchiré le tissu national avec la hargne d’une armée d’occupation.

C’est des histoires tout ça, les affaires d’Air Guinée et du patrimoine foncier de l’Etat ! Les Guinéens ne sont pas dupes, Lieutenant-Colonel Doumbouya. Votre objectif est d’éliminer par tous les moyens Cellou et Sidya, les deux candidats les plus susceptibles de l’emporter et nones susceptibles, afin de propulser à la tête de l’Etat un rejeton de votre clan. C’est la fameuse doctrine « angbassanlé » propre à la clique meurtrière de Sékou Touré.

Tierno Monénembo, in Le Lynx

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